royale aussi bien dans cette cour que dans toutes les autres. Ce serait même au besoin un des plus fermes boulevards de la constitution anglaise contre les entreprises du gouvernement personnel. Le lord chief justice d’Angleterre et quatre autres juges président la cour du banc de la reine, dont l’autorité s’étend sur toute la magistrature inférieure du royaume. Sa juridiction s’exerce à la fois en matière civile et criminelle. Les deux autres cours, celles des plaids communs et de l’échiquier, se composent aussi chacune de cinq juges. Tous ces magistrats touchent des émolumens considérables[1], sont nommés à vie et ne peuvent être révoqués que par suite d’une pétition des deux chambres adressée à la couronne. Autrefois les attributions de ces trois grandes cours de justice étaient fort séparées ; le king’s bench entendait surtout les causes criminelles et contrôlait la décision des autres tribunaux secondaires ; la cour de common pleas intervenait dans les différends entre sujet et sujet, tandis que l’exchequer évoquait particulièrement les questions qui touchent au fisc et au recouvrement des impôts. Aujourd’hui ces distinctions, qui exerçaient jadis à un point merveilleux la sagacité des avocats anglais et qu’on cherchait souvent à éluder dans la pratique au moyen d’étranges fictions légales, se sont à peu près évanouies. Chaque plaideur est libre ou peu s’en faut de choisir celui de ces tribunaux qui lui convient le mieux.
La cour d’équité par excellence est la haute cour de chancellerie, high court of chancery. Avant la réformation, le lord-chancelier remplissait d’ordinaire les fonctions de chapelain et de confesseur du roi. Le dernier ecclésiastique ayant occupé cette dignité dans l’état était Williams, archevêque d’York (1621-1625). Le titre qui sert à le désigner vient de ce qu’il avait le pouvoir d’annuler (cancellare) les lettres patentes du souverain contraires à la loi. Il est le gardien du grand sceau et de la conscience royale, le patron des bénéfices de l’église établie auxquels nomme la couronne, le tuteur des enfans, des idiots et des aliénés. Assis sur son sac de laine, il préside la chambre des pairs. Membre du cabinet et du conseil privé, à plus d’un égard ministre de la justice, chef de la corporation des hommes de loi, il marche dans les cérémonies publiques entre les princes du sang. Si grand qu’il soit, peut-être même à cause de cette grandeur, il se trouve exposé aux moindres
- ↑ Le chief justice de la cour du banc de la reine reçoit 200,000 francs par an ; celui des plaids communs et le lord chief baron de l’échiquier touchent 175,000 fr. ; les puisne judges (juges puînés ou assesseurs) 125,000 fr. Il ne faut jamais perdre de vue que ces magistrats sont choisis parmi les avocats du premier mérite. Dans un pays où la profession du barreau est fort lucrative, du moins pour les célébrités, l’état a dû leur offrir de grands avantages en retour de la clientèle qu’ils abandonnent. Nos voisins considèrent en outre la libéralité des traitemens comme une garantie d’indépendance pour les juges du royaume.