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franc-maçonnerie dans laquelle on prend ses degrés et où l’on monte en grade. Qu’ils soient deux, dix ou cent, il n’y en a qu’un qui commande. A Yokohama, un chef beto exerce le droit d’inspection et de contrôle sur ses inférieurs attachés au service des étrangers ; à l’insu de ceux-ci, il visite leurs écuries et fait ses recommandations. Un matin, votre beto disparaît ; il y a dans l’écurie un de ses collègues qui a été envoyé par le chef de l’association, autorité plus puissante et plus obéie que la vôtre ; force vous est de consentir et d’accepter cette manière de procéder, dont les résultats d’ailleurs n’offrent aucun inconvénient. En 1863, le chef des betos pour les étrangers et celui des betos des Japonais, deux puissances, se prirent de querelle pour les beaux yeux d’une dame. L’un d’eux fut bafoué, berné et injurié dans une machination tramée par son rival. Le soir, les écuries étaient vides et les deux camps sur pied ; il fallut l’intervention de la police pour apaiser ce différend, qui tournait à l’émeute ; pendant deux jours, l’effervescence fut à son comble, et sur quelques points des rixes partielles s’engagèrent.

Pour l’étranger qui veut se faire rapidement une idée d’Yeddo, la plus agréable promenade est celle d’Asaxa, le plus grand temple d’Yeddo, placé sous la protection de la déesse Quannon-Sama. S’il oblique sur la droite pendant le retour, il aura vu les deux principales physionomies de la ville : la physionomie militaire ou aristocratique, la physionomie commerciale ou populaire. A quelques pas de la légation de France passe la grande rue marchande, prolongement de la route qui mène d’un côté à Yokohama, et qui, après avoir serpenté dans tout Yeddo, traversé canaux et rivières, sortira au nord sous sa première forme. Il n’y a ni architecture ni luxe dans ces quartiers marchands, les maisons se contentent d’être propres ; aucune misère, mais point de pompeux étalage. Devant la porte, un jardinet artificiel avec un bassin et une maisonnette sert à l’amusement de la famille ; le long du balcon du premier étage, des rouleaux minces en canon voltigent au vent et entraînent avec eux un petit marteau qui joue dans une boule de verre dont il heurte et fait tinter les parois. Au printemps, des racines de fougère couvertes d’une végétation fine et verdoyante soutiennent des globes en verre dans lesquels nagent des poissons rouges. C’est partout le même peuple, enfant jusqu’à l’âge le plus avancé, s’entourant de petits jeux, étonnant par la grâce inimitable qu’il apporte dans la confection de babioles qui nous sont inconnues.

Le long des murs, chaque maison a sa pompe en bois, couverte d’une douzaine de seaux formant la pyramide sous un toit qui les met à l’abri du soleil. On comprend à l’inspection et à l’entretien de ce petit matériel le rôle que joue l’incendie dans la vie japonaise, et cependant dans aucun pays au monde les secours ne sont