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diplomatie de cette rude époque, c’est là son objet direct : la guerre ne figure dans son récit qu’en tant qu’elle fournit à la diplomatie tantôt ses plus graves difficultés, tantôt ses moyens d’action les plus efficaces. Diplomatie et révolution, ces deux mots peuvent-ils bien se trouver rapprochés ? Ne jurent-ils pas l’un avec l’autre ? Y a-t-il en temps de révolution, y a-t-il eu pendant la révolution française une diplomatie possible ? Les révolutions traitent-elles avec la diplomatie, et peuvent-elles avoir à leur tour des diplomates qui parlent en leur nom ? On se prend involontairement à en douter, et ce n’est pas seulement une vague incompatibilité d’humeur qu’on s’attend à rencontrer entre deux manières de traiter les affaires humaines, dont l’une procède par impétuosité et par force, l’autre par adresse et patience. Il y a, ce semble, dans le cas particulier et sans précédent de la révolution française, le germe d’une difficulté plus profonde. La révolution française a changé à la racine, de propos délibéré et probablement pour jamais, le principe même sur lequel reposaient la souveraineté au sein de chaque peuple et le droit des gouvernemens. A-t-elle ou laisser intacte ou même conserver dans ses élémens généraux cette science de la diplomatie, qui n’est qu’un moyen ingénieux de régulariser et d’organiser les rapports de ces peuples et de ces gouvernemens entre eux ? La condition de chaque partie étant si profondément modifiée, leurs relations peuvent-elles rester gouvernées par les mêmes règles ? Il est aisé de voir que les embarras dont la diplomatie contemporaine nous donne le spectacle, ces congrès mort-nés, dissous avant d’être réunis, ces traités déchirés aussitôt que conclus, tout le trouble, en un mot, auquel sont en proie les relations internationales de l’Europe moderne, tiennent au fond à la difficulté de plier aux règles de l’ancien droit des gens les nouveaux principes de droit public inaugurés par la révolution française. La diplomatie, habituée à faire vivre ensemble des rois maîtres de leurs sujets, ne sait comment s’y prendre pour aboucher entre eux des peuples décidés à rester maîtres d’eux-mêmes. A un point de vue même tout matériel, on n’a pas encore résolu le problème de faire entrer le suffrage universel dans la salle d’un congrès. L’éducation diplomatique du peuple souverain est encore à faire.

Cette question nous paraît être la plus grave entre tant d’autres si graves pourtant que fait naître l’organisation encore si mal assise de nos sociétés nouvelles, car il y va de la civilisation tout entière. Je n’ai garde de faire croire au lecteur que M. de Bourgoing la traite ou même l’aborde directement dans son livre. Il aurait eu tort de l’essayer, un ouvrage historique n’est pas une dissertation, et la confusion des deux genres ne peut que nuire à l’un comme à l’autre. De plus, à l’époque dont il nous trace le tableau, le