travail mérite un éloge sans réserve. Ils connaissent si bien l’état de la science, sur chaque sujet et sur chaque période de la statuaire gréco-latine ils savent si bien les opinions, les commentaires, les jugemens exprimés par les Gerhard, les Otto Jahn et les Visconti, que cette monographie d’un musée pourrait être signalée comme un utile manuel de l’érudition archéologique au XIXe siècle. Si nous demandons quelque chose de plus aux deux historiens du musée de Latran, c’est que certaines pages de ce manuel nous montrent que l’homme de goût et l’artiste ne le cèdent pas chez eux à l’antiquaire. La statue de Sophocle découverte il y a vingt-huit ans dans les fouilles de Terracine leur inspire l’admiration la plus vive, et ce sentiment est justifié par une analyse si habilement conduite, par des détails si heureusement choisis, que l’émotion du guide se communique à ceux qui l’écoutent. A la bonne heure! voilà l’archéologie que nous aimons, celle qui ne se sépare jamais de l’esthétique et qui se passionne pour le beau. Les deux antiquaires reviennent ici à la tradition de Winckelmann.
« Si tel est le premier signe de la vraie plastique monumentale que l’effet essentiel soit produit du plus loin que le regard a embrassé l’ouvrage, et qu’ensuite, à y regarder de près, l’examen détaillé, approfondi, ne fasse que confirmer cette impression grandiose, la statue de Sophocle est un chef-d’œuvre du premier ordre. Exprimer dans le poète le modèle de l’homme idéal, la plénitude et l’élévation du développement intellectuel, la noblesse inaltérable de la beauté virile, voilà manifestement le but que l’artiste s’est proposé et qu’il a su atteindre tout d’abord par la disposition générale de son œuvre. » Ainsi parlent nos guides à la vue de cette grande image si longtemps dérobée au regard des hommes; approchez maintenant avec eux, interrogez le détail, examinez les lignes, rendez-vous compte de l’attitude du corps, des plis de la robe, du mouvement des bras, du juste arrangement de toutes les parties, surtout de l’expression du visage, vous admirerez dans ce mélange de vigueur et de sérénité un des plus harmonieux épanouissemens de l’humaine nature. MM. Benndorf et Schoene ont joint à leur travail vingt-quatre planches où la photographie venant en aide à l’art du lithographe a permis de reproduire les principales richesses du musée de Latran avec beaucoup plus de bonheur qu’on ne l’avait fait jusqu’à ce jour; la statue de Sophocle, on le pense bien, est traitée par eux avec un soin particulier, elle tient dans leur monographie la place d’honneur que Grégoire XVI lui assigna dans les galeries de son palais. On peut donc, sans être allé à Rome, contrôler dans une certaine mesure la description enthousiaste des savans ciceroni. Quant à ceux qui ont vu ces grandes choses, ils seront heureux de retrouver ici une justification aussi complète des impressions qu’ils ont dû ressentir. Oui, c’est bien l’idéal du poète qui est exprimé dans ce marbre, l’idéal du poète antique