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lant faire honneur à une œuvre si vénérable, décida que le palais de Latran serait transformé en musée pour la recevoir. C’était d’ailleurs une occasion de dégager les galeries du Vatican; autour du Sophocle, à qui était réservé le point central de l’édifice, on disposerait bien des objets récemment découverts : statues, fragmens, bas-reliefs, toute sorte de richesses entassées dans les salles devenues trop étroites et qui demandaient la lumière. Le palais de Latran se prêtait parfaitement à ce dessein; attenant à la basilique du même nom, situé non loin de la campagne romaine, tourné pour ainsi dire vers les âges disparus, il offrait un asile merveilleusement poétique à ces poétiques débris de l’ancien monde. Quelles harmonies naturelles, harmonies de lieux et de pensées, dans ce nouveau musée des antiques rassemblé ainsi

A Saint-Jean de Latran, en face des déserts!

Ainsi fut créé le musée grégorien de Latran, ou plus simplement le musée de Latran, puisque ce nom de musée grégorien est aujourd’hui attribué par l’usage à la collection étrusque du Vatican. A peine installé, et pendant qu’il s’enrichissait encore des fouilles exécutées sur plusieurs points du territoire, ce musée, j’allais dire ce temple consacré à Sophocle, attirait l’attention des archéologues. M. Henri Brunn en parlait dans le Kunstblatt ; M. Braun, dans ses Ruines et Musées de Rome, étudiait avec soin quelques-uns de ses monumens; enfin Grégoire XVI, pour compléter son œuvre, ordonnait la publication d’une vaste monographie où tous les objets du musée de Latran seraient examinés, classés, décrits, avec l’indication de leur provenance. Ce travail, confié d’abord aux soins du père Marchi, fut transmis bientôt au père Secchi, et, après la mort de ce dernier, au père Garrucci, qui le publia en 1861 sous ce titre : Monumenti del museo lateranense descritti ed illustrati da Raffaele Garrucci e pubblicati per ordine della santità di nostro signore papa Pio IX. Malheureusement cette publication ne répondait pas à ce qu’on avait attendu ; au lieu d’une description complète, c’était un choix, et un choix assez restreint, des monumens antiques rassemblés au palais de Latran. Le père Garrucci d’ailleurs s’était contenté trop vite des premiers résultats que lui apportaient ses recherches sur l’origine de ces découvertes. C’est surtout en pareille matière que la plus scrupuleuse exactitude est de rigueur. Deux ardens disciples de la science germanique, déjà maîtres à leur tour, M. Otto Benndorf et M. Richard Schoene, ont entrepris de refaire l’œuvre du père Garrucci. Décrire salle par salle toutes les statues, tous les bas-reliefs, tous les fragmens du musée, marquer l’importance de chaque œuvre, en donner les dimensions exactes, en déterminer le caractère, indiquer la date et le lieu des fouilles qui les ont mises au jour, signaler les travaux qu’elles ont inspirés à la critique en