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d’un architecte ! M. Gregorovius a publié le premier volume de son Histoire de Rome en 1859[1], c’est-à-dire l’année même où éclataient des événemens qui devaient tôt ou tard exercer une action décisive sur les destinées de Rome; huit ans se sont écoulés, et l’historien, toujours calme, toujours serein au milieu de ces tragiques aventures, n’a pas cessé un seul jour de poursuivre l’accomplissement de son œuvre. M. Gregorovius approche enfin du but qu’il s’est assigné à lui-même; quand ce vaste tableau de la Rome des pontifes sera complètement terminé, il y aura là un sujet d’études que nous ne négligerons pas, et l’on verra que M. Gregorovius a dignement représenté l’histoire et la philosophie au milieu de la crise qui tient le monde en suspens.

En attendant que nous puissions rendre une entière justice à l’auteur de l’Histoire de Rome au moyen âge, nous signalerons aujourd’hui un travail beaucoup moins considérable assurément, d’un intérêt moins vif, moins immédiat, travail d’un grand prix toutefois et qui se rattache aux recherches déjà si nombreuses accomplies à Rome par l’érudition germanique. Il ne s’agit plus ici de la philosophie de l’histoire, il s’agit simplement d’archéologie et d’art. M. Gregorovius continue la tradition des Niebuhr, des Humboldt, des Bunsen; c’est à l’école de M. Théodore Mommsen et de ses vaillans émules, à l’école des Henzen et des Brunn qu’appartient l’ouvrage dont nous voulons parler. Quel est cet ouvrage ? Une monographie, la première monographie complète des antiquités païennes du musée de Latran[2].

Il y a une trentaine d’années, le hasard fit découvrir une statue dans le sol où s’élevait l’Anxur des anciens, aujourd’hui Terracine. Le sculpteur Tenerani fut le premier à y reconnaître un des plus beaux spécimens de l’art antique. Deux antiquaires célèbres, M. Melchiorri et M. Vescovali, qui réclament le même honneur, ont eu du moins le mérite de confirmer le jugement de l’habile artiste, et l’un d’eux, M. Vescovali, a déterminé d’un œil sûr le nom du personnage représenté par le statuaire. Sa conjecture ou plutôt son affirmation a été adoptée par les maîtres les mieux initiés à la connaissance de l’antiquité hellénique; aucun doute n’est plus possible après les consultations données par M. Jahn et M. Welcker : c’est une statue de Sophocle qui a été découverte à Terracine en 1839.

Quelque temps après, les comtes Antonelli, propriétaires du domaine où avait été faite la précieuse trouvaille, offraient ce trésor au pape Grégoire XVI; familia Antonellia, — terracinensis, — donavit, — anno MDCCCXXXIX, telle est l’inscription gravée sur le socle. Le pape, vou-

  1. Geschichte der Stadt Rom. im Mittelalter, vom fünften Jahrhundert bis zum sechzehnten Jahrhundert, von Ferdinand Gregorovius; Stuttgart 1859.
  2. Die antiken Bildwerke des Lateranischen Museums, beschrieben von Otto Benndorf und Richard Schoene, Leipzig 1867.