espoir est que cette commotion sera favorable aux progrès politiques de la France. La formation d’une grande armée active et d’une puissante réserve, l’organisation d’une forte garde nationale mobile, seront une sanction plus vigoureuse des droits de la démocratie française. Il est inévitable que les droits s’accroissent en même temps que la charge des devoirs et des services augmente. L’enrôlement quasi universel est une énergique doublure du suffrage universel, et doit rendre plus attentive, plus sagace, plus prévoyante, plus ferme, plus décisive, l’influence du suffrage universel sur le pouvoir. Les plus humbles paysans de France pourront comprendre maintenant ce qu’ils feront quand ils auront à exercer leur part de suffrage universel. Tout obstacle mis à l’instruction, à l’information, à l’action du pays, qui doit être édifié sur les sacrifices qu’il sera appelé à s’imposer, irait contre l’esprit d’une loi militaire fondée sur une égalité d’obligation aussi radicale. Avec rapidité ou avec lenteur, suivant le tour des événemens, la nation, à la fois et dans sa totalité soumise aux charges militaires et maîtresse du vote politique souverain, réglera en définitive l’importance et le développement de ses droits politiques sur la gravité des charges acceptées par elle. Le gouvernement devrait se hâter de comprendre l’inexorable nécessité de cette conséquence, et devrait se préparer à coordonner nos institutions avec les droits nouveaux que la démocratie française acquerra par l’application de la loi militaire.
Au dehors, la nouvelle organisation de la force française assure notre sécurité, et nous rendra la modération d’autant plus facile que nous ne pourrons point être accusés de timidité. C’est ici, après l’accomplissement de la tâche de préparation de guerre à laquelle la France s’est vouée, qu’on doit examiner au point de vue de la situation de l’Europe l’effet probable de ce système d’armement considérable.
Les peuples de la société européenne vont-ils rester ainsi en face les uns des autres armés jusqu’aux dents ? Toutes leurs supputations, toutes leurs conjectures sur les accidens prochains de leur existence seront-elles placées sous la perspective de la guerre ? Le choc des peuples, est peut-être un mal moins violent et moins funeste qu’une anxiété entretenue trop longtemps par des aspirations ou des appréhensions qui auraient la guerre pour objet. Le mouvement de la vie moderne s’arrêterait. Les peuples qui travaillent, les peuples qui s’enrichissent, les peuples qui montent, ont besoin d’avoir devant eux des routes droites et lumineuses. L’inquiétude qui serait continuellement excitée par la menace d’un conflit européen glacerait l’esprit d’entreprise, et serait une cause de misère et de débilitation universelles. Une chose incontestable, c’est que les peuples européens ont moins qu’à d’autres époques des sujets de haines intestines. Leurs progrès dans les sciences, l’industrie, les arts, leur ont appris que le libre développement et la prospérité croissante de