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gouvernement hollandais, ayant pris leur place, rétablit les prestations sur le pied légal, et se contenta même d’un jour de travail sur sept; mais les recettes couvraient à peine les dépenses, quand le général van den Bosch, gouverneur des Indes néerlandaises de 1830 à 1834, eut l’idée d’appliquer la somme de travail et de prestations dont l’état pouvait disposer à la culture des denrées coloniales, sucre et café. Dans la région basse et chaude, chaque village fut tenu désormais de planter le cinquième de ses terres en cannes. L’état payait aux cultivateurs 3 florins 1/2 (7 francs 38 centimes) par pikol de 126 livres. La différence entre ce prix minime et le prix réel du marché représentait la rente due par le paysan et le profit de l’état. Dans la région montagneuse, chaque famille était obligée de planter et d’entretenir 600 pieds de caféier, dont le produit lui était payé sur le pied de 12 florins par pikol, Le Javanais payait ainsi sa rente en travail; d’autre part il recevait de l’argent comptant, et il était stimulé à soigner ses cultures, car ses profits augmentaient en raison des produits de la récolte. Ce système, le cultur-stelsel, fut poursuivi avec cet ordre méticuleux et cette persévérance propres aux Hollandais, et les résultats ont surpassé toute attente. Au 31 mars 1864, il y avait à Java 294,487,860 caféiers, produisant année moyenne 50 millions de kilos. L’état a payé en 1863 le pikol de café (126 livres) 12 florins 60 cents (26 francs 50 centimes), et l’a vendu en vente publique, à Amsterdam, 46 florins 69 cents (108 francs 94 centimes), ce qui laisse un assez beau bénéfice. La récolte en sucre monte à 100 millions de kilogrammes valant environ 80 millions de francs. L’introduction de ces cultures a triplé la richesse du pays. Autrefois le temps qui s’écoulait entre la récolte du riz en juin et les semailles en automne était complètement perdu, et les habitans, livrés à l’oisiveté, commettaient toute sorte de crimes et organisaient même des razzias aux dépens des voisins. Ils ont aujourd’hui du travail toute l’année, et les fabriques de sucres offrent un débouché pour un grand nombre de produits accessoires. Le transport du sucre et du café donne aussi un emploi bien rétribué aux hommes et aux animaux de trait. L’aisance du paysan javanais est constatée par M. von Scherzer, d’accord en cela avec tous les voyageurs. Elle s’explique quand on songe qu’il ne paie en résumé pour la terre, comme rente et impôt, que le quart environ du produit, tandis qu’en France et en Italie le métayer en doit la moitié. Même sur les domaines que l’état a vendus à des particuliers, la loi a limité les prestations que le propriétaire peut exiger du cultivateur à un jour de travail par semaine et à un cinquième de la récolte. Le cultivateur javanais jouit donc d’une sécurité plus grande que le fermier européen, dont le loyer