Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le poivre, les métaux précieux, le diamant, ont perdu l’importance qu’ils avaient autrefois. En 1862, le chiffre des exportations a été de 337 millions de francs et celui des importations de 310 millions. La moitié de ce mouvement d’échange s’effectuait avec l’Angleterre.

La constitution brésilienne est très libérale; elle garantit aux citoyens la jouissance de tous les droits de 1789. Les lois sont votées par deux chambres. Le sénat est composé de 58 membres nommés à vie par l’empereur sur une liste triple arrêtée par les électeurs. La chambre basse compte 122 membres nommés pour quatre ans par les électeurs provinciaux, qui sont élus eux-mêmes par le peuple. L’empereur n’a qu’un veto suspensif. Quand un projet est voté par trois législatures consécutives, il acquiert force légale. Une disposition excellente a été introduite dans la constitution pour mettre fin aux conflits qui peuvent surgir entre les deux chambres. Quand l’une des deux assemblées n’adopte pas les amendemens votés par l’autre, celle-ci peut requérir la réunion générale des députés et des sénateurs en une séance plénière où le vote de la majorité décide du sort de la loi et des amendemens. Par cette combinaison, on supprime le danger qui peut résulter de la résistance obstinée d’une chambre haute sourde aux vœux de la nation, et la principale objection faite d’ordinaire contre l’institution d’une assemblée modératrice est écartée; c’est un point à noter pour ceux qui peuvent avoir à formuler une constitution nouvelle.

En résumé, l’opinion de M. von Scherzer sur la situation économique du Brésil est loin d’être favorable. Il est d’accord en ce point avec un autre voyageur également distingué. M. von Tschudi, qui a parcouru une grande partie de l’empire et qui y a résidé en qualité d’envoyé extraordinaire de la confédération helvétique[1]. Il est aussi frappé de la merveilleuse fécondité de la nature que du peu de parti qu’en ont su tirer les hommes. Victor Jacquemont dans ses lettres s’est montré au sujet du Brésil d’une sévérité qui va parfois jusqu’à l’injustice; mais dans l’amère satire qu’il trace de la société brésilienne il y a quelques traits qui méritent d’être cités. « J’ai cherché, dit-il, une classe moyenne, laborieuse, économe, respectable; il n’y en a pas. Au-dessous de la gent dorée sur tranche, je n’ai trouvé que les noirs, esclaves, ou les gens de couleur affranchis, propriétaires d’esclaves et les pires de tous. Est-ce une nation que cela, et n’est-ce pas le portrait de tous les nouveaux états indépendans de l’Amérique espagnole? La race es-

  1. Reisen durch Sud-Amerika, von J. S. von Tschudi; Brockhaus, Leipzig, 1866. (Voyage dans l’Amérique méridionale, par J. S. von Tschudi.)