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de conduite relativement au paiement des impôts, dont la perception avait cessé d’être régulière. Il y fut question de la convocation des états-généraux; mais rien dans les résolutions prises n’était incompatible avec la fidélité due au roi et au régent du royaume. Il reconnaît qu’un plan fut formé pour enlever, à la tête d’une force de six cents gentilshommes, le commandant de la province, de manière à le garder pour otage jusqu’à ce que le gouvernement se fût engagé à respecter les droits et les libertés de la Bretagne. Il ne nie point qu’on se soit adressé au roi d’Espagne et que des rapports aient été établis avec le cardinal Alberoni; il dit qu’on se proposait, par ces négociations, d’obtenir le débarquement d’un corps de dix mille hommes et l’envoi d’un subside de 6 millions; mais en reconnaissant avoir été tenu au courant de ces négociations il maintient n’y avoir jamais été personnellement engagé. Les agens principaux, d’après M. de Pontcallec, étaient MM. de Mellac et de Lambilly; l’argent a été distribué en Bretagne par les soins de ce dernier. On comptait sur un mouvement simultané dans le Poitou, et l’on était en relations avec le Dauphiné, qui, ayant à faire redresser des griefs analogues à ceux de la Bretagne, avait secrètement accrédité à Madrid le chevalier de Sève, lequel s’entendait avec l’envoyé breton. Interrogé sur les préparatifs militaires faits au Pontcallec, l’accusé s’efforce d’établir que l’importance de ces moyens de défense a été démesurément exagérée; il n’a jamais eu plus de soixante hommes sur pied, et le vrai but de cet armement, c’était de résister à la maréchaussée, si elle venait, comme le bruit s’en était répandu, s’emparer de sa personne sous le prétexte qu’il faisait la contrebande du tabac. Sommé de s’expliquer sur plusieurs lettres adressées à M. de Montlouis contenant des instructions d’un caractère tout militaire et un plan pour armer et soulever les paroisses voisines, Pontcallec répond que cette correspondance est une pure mystification : M. de Montlouis est un maniaque qui se croit appelé à commander des armées; l’accusé a eu le tort d’entrer dans ce travers d’esprit, et s’est amusé à caresser les visions chimériques de son ami. Interrogé en dernier lieu sur la participation du parlement aux agitations de la province, il dit que, d’après M. de Lambilly, intermédiaire principal entre les magistrats et les gentilshommes, il suffisait, pour obliger le parlement à se prononcer, de lui faire une douce violence, ce qui aurait lieu, si l’on parvenait à pénétrer de force dans la ville de Bennes; sur la demande des commissaires, il nomme tous les conseillers réputés secrètement favorables aux vues des agitateurs[1].

  1. Les noms de ces magistrats, d’après l’interrogatoire du marquis de Pontcallec, sont les suivans: le président de Rochefort, les conseillers de Marnière, Féron du Quingo, Jacquelot de La Mothe, de Montebert, de Cuillé, d’Andigné, d’Ernothon du Pont-Labbé, de la Forest d’Armaillé et d’Erval.