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assemblée commissaire-général, de même que M. de Lambilly fut trésorier-général. »

Au conciliabule de Lanvaux assistèrent la plupart des personnes qui figurèrent l’année suivante parmi les cent vingt prévenus atteints à des degrés divers par les arrêts de la chambre criminelle. En suivant le développement des faits, on verra que les plus compromis dans cette périlleuse machination ne furent pas les plus sévèrement frappés, les véritables instigateurs s’étant dérobés par la fuite aux poursuites de la justice, obsédée du besoin de faire à tout prix des exemples. Il était impossible qu’une réunion organisée avec un si imprudent appareil demeurât longtemps ignorée. Le premier avis en fut donné au commandant de la province par un magistrat qui reçut la déclaration d’un paysan demeuré caché dans l’épaisseur du fourré durant les délibérations. Cet homme, sachant un peu le français, crut comprendre, dit le président de Robien, qu’il s’agissait de faire venir en Bretagne une armée étrangère, afin de changer le tuteur du roi, dont les nobles étaient mécontens. L’on fut dès lors sur les traces de la conjuration, que l’intendant de la province. suivit dans toutes ses phases au moyen d’un espionnage fort habilement organisé.

Cependant les conjurés avaient renvoyé M. de Mellac en Espagne afin d’y régler avec les ministres de Philippe V tous les détails de l’intervention. Sitôt que la déclaration de guerre à la France eut été souscrite par sa majesté catholique, Alberoni, persuadé d’après les affirmations de l’émissaire que la Bretagne allait se lever en masse, le renvoya vers ses compatriotes, qui faisaient espérer au roi d’Espagne une si éclatante vengeance de l’affront essuyé par le prince de Cellamare, son ambassadeur. M. de Mellac fut autorisé à promettre la très prochaine arrivée d’une flotte équipée dans les ports de Biscaye, flotte commandée par le duc d’Ormond et portant un corps de débarquement. Alberoni subordonna toutefois l’accomplissement de cette promesse à l’occupation par les insurgés bretons d’un point du littoral qui pût rendre la descente sûre et facile. Enfin, pour gage des résolutions du cabinet espagnol, il remit à M. de Mellac une lettre autographe de Philippe V. Mis en mesure d’agir par cet acte solennel, les conspirateurs se trouvèrent dans le plus grand embarras. Les populations ne remuaient point, et tout se réduisit à quelques expéditions entreprises aux environs de Guérande contre les employés du fisc venant percevoir des contributions que les paysans trouvaient fort commode de refuser. Il n’y eut donc plus à compter que sur les vassaux mêmes des gentilshommes personnellement engagés dans le complot, faible ressource dans des conjonctures aussi graves. Au commencement des troubles, M. de Talhouët-Bonamour avait fait réparer aux environs de La Roche--