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nomie de leurs affaires, dans laquelle ils sont autorisés par tous titres authentiques, et que votre majesté a confirmés par le dernier contrat de la tenue de 1715 et par l’arrêt du 5 septembre 1716.

« L’arrêt de votre conseil du 30 juillet dernier sape ce fondement de leurs libertés et de leurs privilèges. Il casse une délibération qui n’avait pour objet que de trouver les moyens de diminuer les impositions, sans rien retrancher des charges auxquelles les états sont obligés pour le paiement du don gratuit et autres dépenses. Cet arrêt est contraire aux privilèges des états, en ce qu’il tend à renouveler sans leur consentement et sans nécessité un droit fort à charge aux particuliers et fort peu utile aux états, et l’entrée des commissaires de votre majesté dans l’assemblée pour y apporter cet arrêt, la lecture et l’enregistrement qu’ils ont ordonné aux présidens des ordres de faire en leur présence, sont autant de nouveautés qui font violence à la liberté des suffrages, et semblent anéantir les états.

« Permettez-nous, sire, cet aveu respectueux et sincère : les trois ordres en ont été également frappés, et si les uns, écoutant plus leur soumission que la conservation de leurs droits, ont gardé le silence, l’opposition d’un autre, plus jaloux de ses privilèges, ne saurait être un crime digne de punition. »


Cette adresse était terminée par des protestations d’un respectueux dévouement, et jamais dans une situation aussi violente le bon droit ne s’affirma avec une plus fière modération. Les hommes qui tenaient un langage que ne désavouerait de nos jours aucune assemblée politique étaient dignes assurément de conquérir et de conserver la liberté, et ceux d’entre eux qui s’égareront bientôt dans les dédales d’une conspiration insensée auront du moins à invoquer l’excuse des plus indignes provocations.

Quelques jours après l’envoi de ces remontrances, le maréchal parut aux états dans l’attitude du triomphe et du dédain. Il fit savoir brièvement à l’assemblée que ni sa majesté ni son altesse royale n’avaient jugé à propos de répondre à une pièce où étaient articulés des griefs sans fondement, ajoutant que monseigneur le régent voulait bien une fois encore les inviter à recourir à sa protection, « qui serait pour eux d’un secours plus efficace que la périlleuse assistance dont ils se flattaient en vain de la part d’une autorité judiciaire, laquelle était et devait demeurer constamment étrangère à tout ce qui les concernait[1]. »

Les états savaient trop quelle importance il y avait pour eux à se concilier le grand corps auquel avait été commis le dépôt des

  1. Registre des états, séance du 31 août 1718.