Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentation provinciale le droit de faire sur les dépenses toutes les réductions qui paraîtraient possibles à celle-ci après qu’elle aurait pleinement satisfait à ses engagemens envers la couronne. Enfin, comme conséquence directe de ce principe, la commission chargée de former l’état de fonds par estime, qualification alors donnée aux prévisions budgétaires, proposait aux états la suppression du droit d’entrée décrété en 1710 sur les boissons introduites en Bretagne, droit affermé à des traitans dont le contrat d’adjudication expirait au mois d’octobre 1718, les états s’obligeant d’ailleurs à remplacer cet impôt odieux aux populations par des recettes équivalentes d’une perception plus facile.

Les répugnances de la province contre le droit d’entrée étaient fort naturelles. Cet impôt, édicté par Louis XIV aux plus mauvais jours de son règne, avait réduit de plus d’un quart le droit de consommation au détail, ainsi que l’établit en séance l’évêque de Saint-Brieuc dans un lumineux rapport dont aucun publiciste ne désavouerait aujourd’hui ni les principes ni les sages conclusions[1]; mais M. de Montesquiou n’entendait rien à l’économie politique, et, comme ces conclusions ne lui avaient pas été préalablement communiquées selon l’usage, il vit dans cette omission une atteinte des plus graves à la prérogative royale. Convaincu de l’urgence d’arrêter par un acte décisif messieurs des états sur une pente dangereuse, il sollicita et obtint un arrêt du conseil qui, ne tenant aucun compte de la résolution des états, ordonnait au nom du roi de continuer la perception du droit d’entrée en Bretagne après l’expiration du bail courant. Cet arrêt érigeait donc carrément en principe la doctrine de l’omnipotence royale, et biffait la disposition principale de l’acte d’union, acte rappelé à chaque tenue d’états dans le contrat où venaient se résumer les dispositions convenues entre les trois ordres et les commissaires de la couronne. « Pour quelque cause ou prétexte que ce soit, il ne sera fait aucune levée de deniers dans la province sans le consentement exprès des états; aucun édit, arrêt du conseil et généralement aucunes lettres patentes contraires aux privilèges de la province n’auront effet, s’ils n’ont été consentis par les états. » Ces paroles sacramentelles terminaient le cahier des états de 1716[2] ; elles avaient été invariablement reproduites durant tout le règne de Louis XIV.

Le 4 août, l’arrêt du conseil fut présenté aux états par le commandant de la province, qui en requit l’enregistrement à leur greffe. A cette demande inattendue s’éleva une effroyable tempête; plus

  1. Registre des états de Dinan, séance du 1er juillet 1718.
  2. Articles 23 et 25 du contrat annexé aux registres des délibérations.