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ciers en semestre qui omettent de se présenter chez lui ! De quelle reconnaissance n’est-il pas pénétré pour la femme du procureur-général-syndic, « qui, dit-il, malgré le risque qu’elle courait et les grands désagrémens qui lui en reviendront certainement, a consenti hier à venir manger chez moi ! » Quel empressement ne met-il pas à solliciter de la cour une bonne pension en faveur de deux pauvres hères qui, aux états de Dinan, se séparèrent du corps de la noblesse pour suivre MM. de Rohan et de La Trémouille! Rien n’y fait, l’hôtel du commandant reste vide. Afin d’échapper à l’ennui, il imagine d’organiser un spectacle. Sous son patronage, une troupe chantante arrive dans la capitale parlementaire de la Bretagne; mais voici que, la veille du jour fixé pour la première représentation, le parlement, usant du droit qui lui a été constamment attribué d’autoriser les entreprises théâtrales dans le lieu de sa résidence, fait défense aux malheureux comédiens d’ouvrir leur opéra. Une longue correspondance s’engage alors entre le maréchal et les ministres du régent. Les acteurs reçoivent enfin de la cour l’ordre de jouer sans l’autorisation du parlement; mais, comme le public n’a pas reçu l’ordre d’assister au spectacle, la salle demeure aussi dégarnie que les salons du maréchal, et la troupe part ruinée.

Ces détails n’absorbaient pas toute l’activité du commandant, à qui l’agitation chaque jour croissante dans la province ménageait de plus sérieux embarras. Le 18 février 1718, il écrivait au marquis de La Vrillière : « On ne peut imaginer de loin ce que sont ces Bretons, cachant toujours leurs volontés sous des termes respectueux, mais ne démordant jamais de ce qu’ils ont résolu. Si l’on se rencontre d’accord avec eux, c’est qu’on les craint; quand on les traite avec rigueur, ils deviennent fort bas. Il faut donc mêler la politesse à la patience; mais il n’y a que la rigueur qui les mettra à la raison. » Un mois plus tard, il doutait de l’efficacité de cette recette, car les Bretons ne tournaient point à la bassesse, quoique le commandant ne leur épargnât pas la rigueur. Dans le courant de mars, le ton de la correspondance change sensiblement en présence du refus de l’impôt qui s’organise d’un bout à l’autre de la province. Soit que M. de Montesquiou craignît pour ses rentes et pensions, soit qu’il éprouvât le sentiment d’une responsabilité plus élevée, il n’hésite plus à dire qu’il faut rassurer la province sur le maintien de ses institutions et annoncer pour une époque très rapprochée la réunion des états. A partir de ce jour, c’est le commandant qui trouve les meilleures raisons pour en provoquer la reprise, et, avant même d’avoir obtenu l’assentiment de la cour pour une nouvelle tenue, il prend toutes les mesures que lui dicte sa prévoyance afin d’en détourner les dangers. Il lui paraît possible d’obtenir préalablement de la noblesse l’engagement moral de voter le don gratuit