Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans ces trous furent semés des haricots, tout au bord, c’est-à-dire à la partie inférieure de la couche de terre. Que feront ici tigelles et radicules ? Ces dernières, attirées par l’humidité du terreau, vont-elles s’allonger en montant, et celles-là, auxquelles il faut air et lumière, vont-elles au contraire descendre pour en jouir ? Non, les radicules descendirent dans l’espace vide, tandis que les tigelles, s’acharnant à monter quand même, s’enfoncèrent dans la lourde couche de terre qu’elles ne purent soulever. Les unes et les autres moururent à la peine, celles-ci asphyxiées, celles-là desséchées ; mais force restait à la loi. Un botaniste anglais, Knight, fit mieux encore. Il disposa une roue tournante verticale qui faisait 150 tours par minute. Des haricots furent placés dans des espèces de manchons ouverts aux deux extrémités et fixés aux faces latérales de cette roue, qu’ils traversaient de part en part. Ils germèrent au bout de quelques jours. Le problème se compliquait singulièrement. Comment les lois de la végétation, qui poussent les tigelles vers le zénith et les radicules vers le centre de la terre, allaient-elles se combiner avec la rotation des appareils ? De la combinaison de ces forces sortit une résultante remarquable : toutes les radicules s’éloignèrent en rayonnant de la circonférence, tandis que toutes les tigelles convergeaient vers le centre, avec cette différence toutefois que les tendances normales des plantes, plus ou moins contrariées par la vitesse de la rotation, furent proportionnellement neutralisées par cette dernière, de telle sorte que l’angle de déviation fut toujours d’autant plus ouvert que la vitesse était plus grande. Un autre botaniste, modifiant l’expérience, établit une roue horizontale qui faisait 250 tours par minute et où les haricots étaient semblablement disposés. Le résultat fut le même. Rotations graduées, coups de marteau périodiques, rien ne modifia les résultats fondamentaux de l’expérience, si bien qu’il fallut conclure à l’indépendance décidément autonome de cette force vitale que nous retrouverons, tout le long de cette étude, irréductible et invaincue.

Les mouvemens de la tigelle devenue tige ne sont ni moins tenaces ni moins caractéristiques. Les longues spirales des tiges appelées volubiles, qui embrassent les corps qu’elles ont choisis pour appui, se font remarquer par la persistance avec laquelle dans chacune d’elles se maintient le mode d’ascension de la première spire. Les unes tournent de gauche à droite, les autres de droite à gauche, et il n’est pas de surprise, pas de violence qui parvienne à modifier la direction initiale. Un curieux détail, c’est que les plantes volubiles, au moment où elles commencent à paraître, ne manifestent aucune tendance vers la disposition en spirale. Il faut qu’un entre-nœuds se forme tout d’abord, quelquefois deux ou plusieurs, pour que les fibres commencent à s’infléchir. Fort lent d’abord et comme