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des surfaces planes, des angles immuables, tels sont les élémens. Le règne minéral est le règne de l’immobilité ; on sent que la matière y sommeille, et qu’elle est pour jamais enchaînée dans le moule de ses rigides arêtes. Faut-il toutefois s’arrêter à ces apparences, et, en poursuivant nos investigations sur les origines de la vie, ne trouverions-nous pas au fond de ce royaume pétrifié quelques vibrations imperceptibles ? Le cristal symétrique, qui refait ses angles brisés et reconstitue ses formes altérées par une fracture accidentelle, — on l’a tout récemment découvert, — qui dans certains cas même affecte une disposition utriculaire, comme les tissus organiques, n’éprouve-t-il pas dans la plus faible mesure de vagues frémissemens ? La vie, en un mot, n’éclaire-t-elle pas de quelque pâle lueur les régions froides où s’agglomèrent d’inertes molécules ? On ne le sait, et toute réponse est impossible dans l’état présent de la science.

Quoi qu’il en soit, nous pouvons dès maintenant affirmer que deux manifestations antithétiques paraissent se partager le cercle entier de la création : ce sont le mouvement et l’immobilité. Le mouvement, c’est la vie ; l’immobilité, c’est la mort ou tout au moins l’inertie de l’être qui n’a pas encore vécu. La vérité de ce double rapprochement est d’une rigueur absolue. Autant l’on peut dire que le mouvement est une propriété essentiellement inhérente à l’être qui vit à un degré quelconque, autant l’on peut affirmer que l’immobilité est le résultat nécessaire de la constitution même des corps privés de vie. On ne conçoit ni d’où naissent ni comment finissent les phénomènes vitaux ; mais ce qui s’impose à l’observateur, c’est que le mouvement est l’unique manifestation sensible par laquelle nous les constations. Or quels sont les organismes doués de mouvement ? La plante et l’animal. Ne les séparons plus désormais.

À peine a-t-on pénétré dans le monde des êtres organisés, qu’on voit disparaître tous les caractères qui avaient frappé dans l’étude de la matière inerte ; c’est un changement complet. Aux rudes arêtes du minéral succèdent les surfaces arrondies et ces belles formes dont les lignes symétriques témoignent d’une formule supérieure. Le progrès ne s’arrête pas aux simples apparences. Les corps se perfectionnent en se compliquant. Aux matières solides s’ajoutent des liquides et ces élémens mixtes, demi-liquides et demi-solides, où, dans l’élasticité des tissus contractiles, palpite le muscle, bat l’artère et circule la sève. C’est là bien véritablement la trame de la vie. D’un bout à l’autre de la série, nous retrouvons toujours la cellule organique, qui, demeurant simple utricule, s’allongeant en vaisseau ou se durcissant en fibre, constitue le principe de tous les tis-