d’abord timide, fut confirmée avec une telle certitude que Bory de Saint-Vincent, suivi de beaucoup d’autres naturalistes, établit que certaines créatures ambiguës oscillent entre les deux règnes, et alternativement en franchissent la frontière de démarcation. On vit des conferves se dissoudre en une infinité de globules. L’on crut à une désorganisation, c’était tout au contraire la formule d’une nouvelle vie ; ces globules étaient des infusoires. Bien plus, on vit ces animalcules se ranger lentement les uns à la suite des autres dans un ordre déterminé. Ils dessinaient en se rangeant ainsi une figure particulière et comme une forme végétale. Était-ce une illusion, était-ce un simple jeu de la nature ? Il n’y avait nulle illusion, on était en présence d’une merveilleuse réalité. Cette forme végétale en effet n’était autre qu’une plante vivante, et ces infusoires qui provenaient de la décomposition d’un végétal reconstituaient un végétal au moyen de leurs molécules de nouveau rapprochées et agglomérées par la vie. On comprend qu’il suffit d’un petit nombre de faits semblables pour modifier le cadre entier d’une science. De cette éloquente et féconde confusion naquit toute une philosophie, et l’on vit nombre de physiologistes parmi les plus autorisés déclarer qu’ils ne reconnaissaient plus aucune différence essentielle entre le végétal et l’animal.
La plupart des querelles scientifiques qui depuis des siècles se perpétuent dans le champ de l’histoire naturelle ne proviennent que d’un malentendu. C’est en commettre un en effet de ne concevoir la vie que telle qu’elle nous apparaît dans les animaux. La vie est progressive comme la série des êtres qu’elle anime. La plante est aussi vivante que l’animal ; mais c’est d’une vie relative qu’elle est animée, et l’on voit dans les deux règnes une longue gamme de nuances graduer la double série des manifestations de l’activité. De ce malentendu sont nées de graves et préjudiciables erreurs. Des esprits trop absolus n’ont plus cherché que des antithèses là où ils n’avaient pu trouver l’identité. Toute vie élémentaire a été obstinément contestée ; c’est ainsi que l’unité méconnue de la création a fait place aux morcellemens les moins philosophiques, et que la nature, frémissante d’une éternelle vibration, a été systématiquement transformée en un froid laboratoire où des résultats nécessaires ne proviennent plus que de forces aveugles.
C’est dans des données toutes différentes qu’une étude sera tentée ici sur la sensibilité végétale. Ce mot n’implique dans notre esprit ni assimilation forcée, ni rapprochement injustifiable entre les phénomènes de la vie des plantes et ceux que manifestent à nos yeux les êtres doués d’une vitalité plus intense. La sensibilité végétale n’est que l’expression d’une vie relative que nous allons tâ-