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l’oasis de Ghât, située à peu près à mi-chemin du Bornou à Tripoli, voit se tenir chaque année, du mois de septembre à la fin de novembre, une grande foire où se rendent les marchands de toutes les contrées de l’Afrique. Il s’y trouve parfois 30,000 chameaux chargés de marchandises de l’Egypte, de Tripoli, du Maroc, de Tombouctou et de tout le Soudan. Le centre du continent, nous l’avons déjà dit, est apte à tout produire. Les matières encombrantes, telles que les céréales, les laines, le coton, ne supporteraient pas les frais d’un si long transport par bêtes de somme ; tout au contraire l’indigo, la poudre d’or, les plumes d’autruche, les défenses d’éléphans, les gommes et mille autres objets précieux peuvent être envoyés au loin de cette manière. En échange, les caravanes rapportent des toiles de coton, des verroteries, de petits miroirs et autres objets de parure ou d’ornement à l’usage des peuples nègres. Croirait-on que ces colifichets sont soumis à l’empire capricieux de la mode, qui ne règne pas, paraît-il, plus impérieusement à Paris que sur les bords du lac Tchad? Les verroteries de Venise, par exemple, doivent changer d’une année à l’autre de forme et de couleur, et les négocians du Soudan qui rencontrent à Ghât leurs commissionnaires européens remettent à ceux-ci les échantillons dont ils prévoient la vogue pour l’année suivante. Tripoli est le principal port de la Méditerranée par lequel transite ce commerce. De Tripoli au Bornou, il y a deux routes. L’une, dirigée par Mourzouk, est tracée presque en ligne droite à travers les sables; les oasis y sont rares, et par conséquent la marche est pénible : c’est la voie qu’ont suivie Vogel et plus récemment Gehrard Rohlfs. L’autre, par Ghadamès et Ghât, est celle que parcoururent le docteur Barth et ses compagnons. Sur cette dernière s’embranche à Ghadamès une autre route qui conduit à Tombouctou par Insalah. Il est clair que l’on doit se borner à indiquer ici les principales voies du désert; il y a plusieurs autres lignes moins importantes et moins fréquentées. Au surplus, les itinéraires des caravanes n’ont pas une fixité absolue; ils se modifient sous l’empire des circonstances qui influent en tout pays sur les usages et les coutumes du commerce. Ainsi la conquête de l’Algérie par les Français fut cause que les caravanes se détournèrent de la frontière algérienne pour fréquenter les états du Maroc et de Tripoli. Lorsque le sud de nos possessions africaines fut pacifié, de regrettables règlemens de douane empêchèrent les transactions de reprendre leur ancienne voie; mais enfin ces obstacles ont été levés. Il est permis d’espérer que les avant-postes français établis sur la lisière du grand désert, Biskra, Bouçada, Laghouat, Géry ville, redeviendront les têtes de ligne des routes sahariennes. C’est en vue d’arriver à ce résultat que le gou-