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les itinéraires de Livingstone, de Speke, de Barth, qui se sont approchés de cette ligne. Le trajet est long, le pays à parcourir est bien mystérieux, les hasards sont formidables. Toutefois on ne voit pas pour quel motif ce serait plus difficile ou plus périlleux que les excursions des précédens explorateurs. Le hardi voyageur qui ne craint pas de s’engager dans cette voie est digne des sympathies et mérite les encouragemens de tous les hommes à qui la géographie inspire quelque intérêt.

Telle est la part d’inconnu qu’il appartient aux futurs explorateurs d’éclaircir. Il n’est pas présumable néanmoins que les découvertes ultérieures modifient beaucoup l’impression générale que nous ont laissée les découvertes modernes. On inscrira peut-être sur la carte de nouveaux lacs, des noms de tribus, des fleuves, des montagnes; mais en définitive l’Afrique équatoriale restera sans doute comme les relations nous l’ont dépeinte : un massif d’aspect uniforme, parsemé çà et là de grandes nappes d’eau peu profondes, avec une température modérée, un air un peu sec et un sol d’une incontestable fertilité. Pour trouver autre chose, il faut se rapprocher de la Méditerranée et traverser la région sablonneuse, le Sahara, que d’anciens préjugés nous représentaient, comme on va voir, sous des couleurs très différentes de la réalité.


IV,

Le quart nord-ouest de l’Afrique qu’il nous reste à parcourir nous touche de plus près que le reste, car deux grandes colonies françaises, l’Algérie et le Sénégal, en occupent les extrémités. Ces colonies sont tout à fait isolées l’une de l’autre en l’état présent des communications terrestres; on cite à peine quelques rares voyageurs européens qui aient franchi les solitudes intermédiaires. D’Alger à Saint-Louis du Sénégal par Tombouctou, il y a 1,000 lieues au plus. C’est beaucoup assurément; mais les routes sont sillonnées par de nombreuses caravanes depuis un temps immémorial. Au lieu des ignorantes et sanguinaires populations noires que l’on rencontre au centre du continent, le pays appartient à des tribus de sang blanc qui n’ont jamais cessé d’entretenir des relations avec leurs congénères du littoral de la Méditerranée. Nous devrions nous habituer à l’idée que l’Afrique française est non-seulement l’Algérie, mais encore toute la zone comprise entre l’Algérie et le Sénégal Est-ce la nature du sol qui doit nous effrayer? Le Sahara nous était dépeint autrefois comme un désert de sable plat et uniforme, image de la sécheresse et de la stérilité. Les découvertes récentes ont amené sur ces prétendues steppes des révélations inattendues.