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convient de dire en apparence, car les hommes qui y ont séjourné de longues années prétendent, avec quelque raison peut-être, que la constitution physique des Européens se plierait, moyennant certaines précautions, aux habitudes de vie que ce climat impose. Sur les bords du golfe de Guinée, de même qu’en tout pays intertropical, l’homme blanc peut vivre en se soumettant au régime frugal des naturels de l’endroit. Il peut au moins subsister quelque temps et affronter les périls d’un climat nouveau, et, s’il lui est permis, grâce à une sage hygiène, de prolonger son séjour, il se transforme en quelque sorte, s’acclimate en un mot. De nombreux comptoirs européens ont été fondés sur les côtes dont il s’agit, notamment par la France et par l’Angleterre. La traite en fit autrefois le succès; depuis que ce honteux trafic a été réprimé, la poudre d’or, les gommes, les défenses d’éléphant et l’huile de palme y attirent encore quantité de navires qui laissent en échange des armes, des tissus de coton et surtout des liqueurs spiritueuses, que les naturels recherchent avec ardeur. Pour une bouteille de tafia, ils cèdent volontiers ce qu’ils ont de plus précieux.

Le débouché des fleuves qui se jettent dans le golfe de Guinée est presque toujours masqué par de larges deltas qui permettent rarement aux marins d’en apprécier l’importance. Le plus considérable de ces cours d’eau, le Niger, auquel il convient de rendre le nom de Kouara, que les indigènes lui donnent, est assez bien connu depuis les expéditions célèbres qui eurent lieu sur ses bords au commencement du siècle. A cent lieues de l’embouchure environ, il se partage, comme on sait, en deux bras; l’un, que les naturels appellent Dhioliba, remonte au nord jusqu’à Tombouctou et revient ensuite vers le sud prendre naissance à peu de distance du littoral. Il n’y a que l’Afrique pour nous montrer l’exemple de ces fleuves singuliers qui se déroulent en spirale. L’autre affluent, la rivière Binoué, vient de l’est en inclinant un peu vers le nord. Le tracé en a été bien défini par les mémorables excursions du docteur Barth dans l’Adamaoua. Cette rivière nous mène au Soudan, jusqu’au- près du lac Tchad; mais, entre la vallée qu’elle parcourt, le lac de Louta-Nzighé et les sources du Zambèse, il reste un immense carré de terrain de 2,000 kilomètres de côté dont on ne saurait dire encore quelles sont les rivières qui l’arrosent et vers quelle mer se dirigent les eaux de pluie qui y tombent. Ce carré est, en l’état actuel de nos connaissances, la véritable inconnue de la géographie de l’Afrique. Est-ce le Congo qui recueille le drainage de cette vaste superficie? N’est-ce pas plutôt l’Ogobaï, qui se jette dans l’Atlantique sous l’équateur, à côté de l’estuaire du Gabon? La colonie récente que les Français ont créée dans le voisinage contribuera