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le long de deux méridiens voisins par l’effet d’une seule et unique cause.

Les études géologiques des derniers explorateurs ont encore constaté un résultat intéressant : les dépôts sous-marins que l’on qualifie d’habitude du nom de terrains tertiaires manquent absolument au centre de l’Afrique. Aucune terre ne présente des signes aussi incontestables de la plus haute antiquité. Les roches sont toutes primitives. Le Louta-Nzighé est creusé dans le granit, et le vaste plateau qui l’entoure semble n’avoir jamais été enseveli sous les eaux d’aucune mer, à quelque époque de la vie du globe que ce soit. Les phénomènes volcaniques y paraissent inconnus, aussi bien que les traces d’anciens glaciers; les montagnes n’offrent, comme on sait, qu’un faible relief. Bref, nulle terre n’a été moins bouleversée par les révolutions géologiques qui ont tant modifié l’aspect des autres continens. Les espèces vivantes qui l’habitent doivent être les plus anciennes de notre planète.


III.

Toutes les côtes de l’Afrique équatoriale sont affligées d’une réputation proverbiale d’insalubrité ; mais nulle part les Européens ne se trouvent soumis à des influences aussi malsaines qu’au fond du golfe de Guinée, sur cette partie du littoral qui court du sud au nord, entre l’embouchure du Congo et le mont Cameroun, et de l’est à l’ouest, du mont Cameroun jusqu’aux frontières de la petite république nègre de Libéria. Cette région ne fut longtemps désignée que par les objets d’échange que le commerce y trouvait, tant l’intérieur en était inconnu. C’étaient la côte des Esclaves, la côte d’Or, la côte d’Ivoire. Ce que les marins en voyaient durant une courte relâche n’avait guère un aspect séduisant : une plage défendue par une barre de sable contre laquelle la mer brise en toute saison, des terres basses entrecoupées de lagunes, des tribus sanguinaires et, qui pis est, anthropophages. C’est là que florissent les royaumes de Dahomey et des Achantis, dont les tristes potentats ne se sont jamais signalés que par de révoltantes boucheries humaines; c’est encore là que le capitaine Burton raconte avoir assisté aux préparatifs d’un repas de cannibales. Cependant, quand les nègres affranchis de l’Amérique voulurent créer quelque part un petit état indépendant d’où leurs oppresseurs de sang blanc seraient exclus, ils n’imaginèrent rien de mieux que d’aller s’établir dans un district désert de cette côte. En effet, les conditions climatériques, — température, vents, humidité de l’air, — ne sont nulle part plus hostiles en apparence à l’acclimatation de notre race ; il