Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/329

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

provinces qui sont plus rapprochées du cap de Bonne-Espérance. Les immigrans anglais et hollandais n’ont si bien réussi à l’extrême pointe de l’Afrique australe que parce qu’ils s’y retrouvaient dans des conditions climatériques analogues à celles de la mère-patrie. La zone littorale y est en effet salubre, tandis qu’en-deçà du tropique les terres basses et détrempées qui bordent l’Océan sont funestes aux Européens. De plus, les Portugais ont eu le tort grave de tolérer, d’encourager peut-être le déplorable trafic des marchands d’esclaves, la plaie de l’Afrique tout entière, qui met les naturels en état d’hostilité permanente soit entre eux, soit avec les blancs.

Lorsqu’on voulut entreprendre des voyages d’exploration en prenant pour point de départ les districts habités du Cap, ces entreprises furent rendues plus faciles par les mœurs et le mode de vie habituel des colons, qui, obligés de se disperser sur de larges espaces afin de trouver des pâturages pour leurs innombrables troupeaux, sont devenus presque nomades. l’usage est de voyager à travers les grandes plaines de cette région avec d’énormes chariots, vraies maisons roulantes, que traînent d’interminables files de bœufs. La vie y est plantureuse; l’éléphant, l’hippopotame, le rhinocéros, la girafe, l’autruche, le lion, animent ces solitudes et y attirent de hardis chasseurs. Les natifs ne sont pas méchans lorsqu’on les aborde avec douceur. Une caravane de quelques hommes peut marcher des mois entiers à petites journées avec bagages et provisions sans courir risque d’être arrêtée par des rivières trop larges, des montagnes trop hautes ou des tribus hostiles. Livingstone sut ainsi parcourir des contrées que nul Européen n’avait visitées avant lui. Accueilli avec faveur par les princes indigènes qui se trouvèrent sur son chemin, il atteignit sans danger la province portugaise d’Angola, revint en arrière et descendit le Zambèse jusqu’à son embouchure, ayant traversé le continent d’une mer à l’autre entre le 10e et le 20e degré de latitude. La carte de cette immense surface a été meublée par lui de noms de lieux et de tribus, de chaînes de montagnes et de cours d’eau, dont les narrations des Portugais ne nous donnaient qu’une idée vague. Les traits en sont encore un peu indécis, il est vrai; d’autres explorateurs viendront bientôt en tracer les contours avec plus de précision.

Les géographes attachaient un intérêt particulier à bien connaître le cours d’un affluent du Zambèse qui se dirige vers le nord, le Shiré, parce que cette rivière semblait plus propre que le bras principal du fleuve à fournir des indications utiles sur les régions mystérieuses du centre. Le Shiré s’oriente en effet presqu’en ligne droite sur le Tanganika. La tradition voulait même