Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

salubres qui semble en interdire l’approche aux hommes de race blanche. Plus loin de la mer, le sol se relève jusqu’à 1,500 mètres et plus, atteint même parfois de grandes hauteurs, ainsi qu’on le voit sur la chaîne du Kilimandjaro; le pays devient alpestre, est sillonné de vallées, arrosé par de nombreux ruisseaux. En vertu de l’altitude, la température s’abaisse au degré qui convient aux Européens. Cette zone montagneuse, saine et fertile, sera leur domaine privilégié, s’ils s’établissent jamais en cette partie de l’Afrique. Sur le versant occidental des montagnes, les voyageurs atteignent de vastes plateaux, tantôt arides et brûlés par le soleil, tantôt couverts d’impénétrables forêts où l’on rencontre plus de bêtes sauvages que d’hommes. Ces plaines, inclinées en pente douce vers la vallée du Nil-Blanc, y amènent les eaux de pluie qu’elles reçoivent ou les laissent s’amasser çà et là en d’immenses lacs peu profonds. Le sol, naturellement fertile, sauf dans les cantons où il est dénudé, produit sans culture mille plantes variées et les beaux arbres des pays chauds. Ces contrées seraient bientôt entre les mains des Européens de riches et plantureuses provinces. Il reste encore, on le voit, aux nations civilisées bien des pays à conquérir, bien des colonies à fonder. La terre ne manquera pas de si tôt à leurs entreprises lointaines.

La région de l’Afrique centrale où les sources du Nil se dérobaient aux regards des hommes blancs depuis l’origine du monde n’est donc pas une conquête à dédaigner. La curiosité qui y attire tant d’intrépides explorateurs est un sentiment très légitime; d’ailleurs il y reste encore matière à bien des recherches intéressantes. Les voyageurs modernes nous ont conduits au cœur de la contrée qui alimente le Nil, ils nous ont montré les grands réservoirs qui lui fournissent l’eau en abondance et soutiennent la régularité de son courant; mais ces vastes nappes reçoivent de tous côtés des tributaires inconnus qui peuvent bien prétendre à l’honneur d’être des affluens du Nil. Un fleuve n’a pas, de même qu’un ruisseau, une source unique dont on le voit sortir; il se compose de filets innombrables que nourrit chaque pli du sol. Il reste maintenant à délimiter le bassin des lacs et à suivre sur le terrain la ligne de faîte d’où les eaux commencent à descendre vers d’autres thalwegs. C’est une entreprise considérable qui dépasserait les forces d’un seul homme; mais aussi ce serait la solution complète du problème géographique si longtemps agité des sources du Nil. La carte d’Afrique sera faite au tiers le jour où le bassin du Nil y sera représenté avec exactitude. Bien loin d’amoindrir le rôle de ce cours d’eau légendaire, les découvertes récentes en ont amplifié le domaine; elles ont reculé de plusieurs degrés vers le sud la zone de