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savoir ce qu’elle est apte à produire et ce qu’elle deviendra dans un avenir plus ou moins. lointain, lorsque de nouvelles races humaines s’y seront implantées. L’homme est le but de la création; il est juste de ramener vers lui et vers la satisfaction de ses besoins légitimes les progrès de la géographie moderne. Du reste ce continent massif et compacte, que la mer isole de toute autre terre, offre un intérêt particulier au point de vue de la science géographique. Nulle part les questions relatives à l’hydrographie du globe, au climat, aux migrations des peuples, ne se présentent aussi bien dégagées d’influences étrangères. L’Afrique est en quelque sorte un monde à part.

Tous les lieux occupés par les Européens sur les côtes ont servi de points de départ à des voyages d’exploration vers l’intérieur. Bien que toutes ces expéditions tendent vers un même résultat et que les itinéraires se croisent fréquemment, il y a encore commodité pour l’étude à les diviser selon quatre grandes régions : d’abord le bassin du Nil, qui embrasse le quart nord-est, puis le bassin du Zambèse et de ses affluens, ensuite la région des cours d’eau qui se déversent dans l’Atlantique au sud de l’équateur, et dont le Niger et la rivière du Gabon paraissent être les plus dignes d’être notés; enfin la région saharienne, qui touche à deux colonies françaises, d’un bout à l’Algérie, de l’autre au Sénégal. Cette division n’est pas arbitraire, elle est commandée par les grandes lignes du terrain ; les quatre fleuves que nous venons de nommer semblent en effet converger vers les régions mystérieuses du centre où les Européens n’ont pas encore pénétré.


I.

L’exploration du Nil a quelque chose de classique. N’est-ce pas le plus vieux de tous les problèmes géographiques? Les Égyptiens des pyramides se demandèrent sans doute d’où sortait ce fleuve unique qui leur apportait chaque année, suivant le niveau des crues, l’abondance ou la stérilité. A le voir descendre de cataracte en cataracte, il dut sembler aux premiers navigateurs qui se hasardèrent à le remonter qu’il provenait d’un océan mystérieux juché sur quelque haut plateau lointain. Pour les modernes, à qui les autres grands fleuves du globe ne sont pas inconnus, le Nil conserve une sorte de majesté. L’Amazone a peut-être plus d’ampleur, le Mississipi plus de fougue; ce ne sont après tout qu’un Rhin ou qu’une Loire élargis à la taille des immenses surfaces qu’ils arrosent. Le Nil se distingue au contraire de tous les cours d’eau par des traits caractéristiques : d’abord il a une marée annuelle qui