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L’AFRIQUE MODERNE
HISTOIRE PHYSIQUE, RACES ET COLONISATION.

« L’intérieur de l’Afrique est peu connu, écrivait l’abbé Raynal, et ce qu’on en sait ne peut intéresser ni l’avidité du négociant, ni la curiosité du voyageur, ni l’humanité du philosophe. » Telle était au XVIIIe siècle l’insouciance des géographes à l’égard des régions centrales de cet immense continent. L’esprit du temps était tourné vers les aventures maritimes, comme si les explorateurs du globe avaient voulu d’abord reconnaître les contours de la terre habitable et les limites de leur domaine avant d’examiner ce qui s’y trouve de curieux et d’utile. Au surplus, la voie de mer était à cette époque la plus féconde en résultats. Quel voyageur pourrait espérer de recueillir en trois ou quatre années de pérégrinations terrestres autant d’informations qu’en rapportaient les grands navigateurs des siècles passés? Ceux-ci faisaient le tour du monde, glissant à toutes voiles sur les océans de l’un et l’autre hémisphère, côtoyant l’inconnu par tous les degrés de longitude et de latitude, tandis que de nos jours les explorateurs doivent souvent se résigner à languir des mois entiers ou revenir en arrière, arrêtés par un fleuve, par un désert, par une chaîne de montagnes. Les découvertes exigent maintenant plus de courage et de dévouement; les voyages infligent plus de fatigues et de privations, exposent à de plus graves dangers. La tâche est devenue plus rude sans être plus glorieuse. Cependant les hommes ne manquent pas, et le sol de l’Afrique en particulier attire les missionnaires de la science plus que ne l’ont jamais fait les contrées les plus favorisées.

Ce n’est pas de ce pays mystérieux que La Bruyère eût dit qu’il ne reste qu’à glaner après les anciens et les habiles d’entre les mo-