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exemple l’avantage d’avoir leur retraite fixée sur le grade supérieur à celui qu’ils ont en quittant le service. Un capitaine de la garde qui a moins longtemps servi dans son grade qu’un capitaine resté dans la ligne a la pension de retraite d’un chef de bataillon. On a tort de blesser dans l’armée, par ces différences, le sentiment et le légitime intérêt de l’égalité. On a tort aussi d’affaiblir l’armée en ne laissant point ses meilleurs sujets disséminés dans ses rangs. Nous ne pouvons encore, à propos de l’armée, nous dispenser de relever une observation à laquelle les derniers débats ont donné lieu. La question du mariage et de l’accroissement de la population a beaucoup préoccupé les orateurs. Quelques-uns ont déploré la lenteur de l’augmentation de la population en France, comparée, au mouvement des naissances dans les autres pays. On a signalé dans ce contraste pour notre pays une cause d’infériorité, presque de décadence. Nous tenons assurément grand compte des considérations morales qu’on a fait valoir pour mettre le plus tôt possible les appelés de l’armée en mesure d’user de la faculté de se marier. Quant à la question des avantages de l’accroissement rapide de la population par la précocité et l’excessive fécondité des mariages, les opinions des économistes et des socialistes les plus autorisés ne sont point conformes à celles qui viennent d’avoir cours au corps législatif. Il avait été de mode jusqu’à présent de féliciter la France de sa retenue dans l’accroissement de la population. On attribuait ce phénomène chez elle à une sorte de prudence instinctive qui l’empêchait d’augmenter le paupérisme. S’il est un homme de notre temps qui ait étudié avec une intégrité scrupuleuse et une méthode scientifique positive l’intérêt des masses populaires dans le jeu des lois économiques et sociales, c’est bien M. J. Stuart Mill. Il fait précisément honneur à la France, dans son traité d’économie politique, d’avoir la sagesse d’être le peuple européen qui fournit le moins d’élémens au paupérisme ; mais nous sommes aujourd’hui dans une veine d’humeur noire, et nous nous imputons à crime un fait où des philosophes impartiaux, désintéressés, amis dévoués de l’humanité, voyaient un motif de nous louer.

Si nous jetons un coup d’œil sur le milieu européen dans lequel nous accomplissons notre préparation militaire, notre regard rencontre en premier lieu l’Italie. Dans le spectacle de l’Italie, une chose d’abord nous afflige : c’est que la majorité de ses hommes politiques n’a point encore compris l’austère devoir que les circonstances leur imposent. Les hommes chargés du mandat de la représentation d’un peuple qui par la faute de ses chefs s’est engagé dans de douloureux embarras ont pour premier devoir de ne point aggraver par des récriminations venimeuses et des animosités personnelles le malheur de leur pays. On devrait s’imposer la loi, dans le monde politique de Florence, de se taire enfin sur les funestes incidens de l’expédition garibaldienne, de l’intervention française