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reconnaissaient les services que rend la science pure aux arts et à l’industrie.

Les lecteurs de la Revue n’auraient pas une idée complète de ces grandes assises de la science anglaise, si je passais sous silence le concours agricole et l’exposition florale que l’initiative de la ville de Dundee sut adjoindre aux fêtes de l’association. Je fus surpris du nombre et de la beauté des fleurs, des fruits et des légumes réunis dans le Baxter Park. Quand on songe qu’on se trouve au nord du 56e degré de latitude, dans un pays où la moisson se fait au commencement de septembre, l’étonnement est grand à la vue de tout ce que l’art et la patience savent obtenir sous un ciel si rarement serein, avec un soleil dont les rayons sont dépourvus à la fois de lumière et de chaleur. On dira peut-être que la houille et les vitrages ont remplacé le soleil. Cela serait vrai, si ces exposans étaient tous des horticulteurs ou de riches propriétaires ; mais les ouvriers aussi avaient leur exposition spéciale, et les plantes qu’ils avaient élevées, en particulier les fuchsias, les glaïeuls et les fougères, auraient été partout jugées dignes des médailles qui leur ont été décernées. En encourageant le goût des fleurs chez les classes laborieuses, la municipalité de Dundee travaille efficacement à leur moralisation. De semblables exemples mériteraient d’être suivis dans les centres manufacturiers de la France et surtout de l’Alsace, où des patrons éclairés et bienveillans améliorent incessamment la condition de leurs modestes collaborateurs.

Il est une autre association, libre et joyeuse sœur de l’Association britannique, que je ne saurais passer sous silence : l’Association britannique représente la science actuelle, acquise et acceptée, la seconde représente celle de l’avenir. Edward Forbes, mort de bonne heure, mais déjà considéré comme l’un des premiers naturalistes de l’époque, en a été le fondateur. Dans l’origine, la société se composait exclusivement de jeunes gens, esprits avancés, libres de préjugés scientifiques, amoureux avant tout de la vérité et indifférens à l’approbation timide des vieux savans et au blâme aveugle des profanes. Les séances commençaient à table, se prolongeaient dans la nuit, et l’enseigne d’une auberge où les fondateurs se réunissaient donna son nom à la société, qui s’intitula le Club des Lions rouges (Red Lions Club). Les physiciens, les chimistes et la plupart des naturalistes appartenant à la génération actuelle sont membres de cette société. La solennité académique en est complètement bannie, et le titre même du club donne lieu à ces plaisanteries humoristiques si chères à nos voisins. Le président est le père des lions (father lion), les membres s’appellent frères lions (brother lions) ; on n’applaudit pas, on rugit. Les questions les plus sérieuses sont for-