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boulingrin (bowling green), pelouse dominée par des banquettes gazonnées et consacrée aux jeux de boule, des groupes de statues personnifiant des ballades de Burns, des vers de Shakspeare et d’autres poètes inscrits au contour des allées, tout me reportait de deux siècles en arrière. Par un contraste bien saisissant, près de là les mille cheminées de Dundee lancent dans les airs leurs colonnes de fumée ; les milliers de broches des filatures tournent en frémissant ; les navires chargent ou déchargent les matériaux et les produits des industries les plus variées ; les bateaux à vapeur sillonnent le golfe de la Tay, et le château solitaire de Fingask, monument d’un autre âge, semble du haut de sa colline contempler avec stupeur le spectacle d’un monde si différent de celui qui l’entourait à sa naissance.

Le château de Glamis, qui figurait aussi sur la liste des excursions, est le lieu où Shakspeare a placé le théâtre du terrible drame de Macbeth, La tradition du régicide est incertaine, et s’applique non pas à un roi Duncan, mais à Malcolm II, mort à Glamis probablement de mort naturelle. Shakspeare n’en a pas moins attaché à ces murs une impression ineffaçable. Walter Scott l’éprouva lorsque, jeune encore, il passa la nuit au château de Glamis en 1791. La réception gracieuse de lord Strathmore, dont la famille possède ce manoir depuis cinq cents ans, put seule dissiper le nuage qui assombrissait involontairement le front des visiteurs en mettant le pied sur le seuil de ce lieu consacré par le génie.

Je n’entrerai dans aucun détail sur les autres excursions qui eurent lieu, le lendemain du jour de la clôture de la session, au château d’Airlie, à Dura-Den et Kilmaron, à Balruddery, au Lochleven, aux villes de Montrose, de Perth et de Brechin, à l’abbaye d’Arbroath, et enfin à New-Burgh et Errol. L’hôte sous le toit de qui j’avais été reçu comme un vieil ami, M. Armitstead, avait réuni dans son parc d’Errol plus de cent membres de l’association. Sous une grande tente illuminée par le gaz, dont le village d’Errol est doté comme la plupart de ceux de l’Ecosse, la table hospitalière était dressée ; de nombreux toasts animèrent le dessert, et à la nuit les convives purent admirer les arbres du parc éclairés par la lumière du magnésium, rivale de celle du soleil. On le voit, les plaisirs des yeux et de l’imagination ne sont point proscrits par les graves comités de l’Association britannique ; mais tous les habitués de ces sessions s’accordaient à dire que celle de Dundee était exceptionnelle sous ce rapport. La ville et ses habitans avaient soutenu dignement le vieux renom de l’hospitalité écossaise : châtelains, officiers municipaux, magistrats, membres du clergé, manufacturiers, commerçans, tous voulaient prouver par leurs actes qu’ils