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17 mai fut en effet de mettre les troupes du pape sous les ordres de Murat[1]. Le roi de Naples l’en remercie aussitôt avec effusion. « Je m’empresse d’annoncer à votre majesté que je viens de recevoir sa dépêche du 18 mai. Je vous remercie bien de la nouvelle preuve de confiance que vous venez de me donner. Tous vos ordres seront remplis, et j’espère qu’ils le seront sans troubles. La date de l’arrêté de votre majesté porte la date du 1er juin pour la prise de possession de Rome, et par sa lettre il m’est recommandé de tenir caché le tout jusqu’au 5 juin. Je dois penser que votre majesté avait réfléchi qu’il fallait ce temps-là pour laisser arriver les membres de la consulte[2]. »

Tant de mesures préparatoires n’avaient pu être si secrètement prises qu’il n’en transpirât quelque chose à Rome. Depuis les grands succès militaires remportés par l’empereur en Allemagne, il n’y avait plus une seule personne dans les états pontificaux qui ne s’attendît à voir le gouvernement français frapper d’un instant à l’autre quelque grand coup d’autorité; mais quel serait-il? Le pape et son ministre entretenaient si peu d’illusions à cet égard qu’ils se demandaient uniquement depuis plusieurs jours avec anxiété de quelle façon procéderait le général Miollis. Arrêterait-il le pape avant de le déposer comme prince temporel, ou bien proclamerait-on sa déchéance en lui laissant sa liberté? Dans l’une comme dans l’autre hypothèse, Pie VII était résolu à prononcer l’excommunication contre les auteurs et les fauteurs d’une pareille violence. Déjà depuis plusieurs années, même dès l’année 1806, lorsque les avis envoyés de Paris par le cardinal Pacca annonçaient une prochaine invasion des états du saint-père, plusieurs congrégations s’étaient tenues chez le doyen du sacré-collège, le cardinal Antonelli, pour concerter les mesures à prendre. Les cardinaux di Pietro, Litta, Pacca et Consalvi y avaient pris part. Après l’arrestation projetée du cardinal secrétaire d’état Pacca, Pie VII avait chargé le cardinal di Pietro, qui était un théologien beaucoup plus qu’un politique, de libeller une nouvelle bulle. Ignorant toutefois si l’enlè-

  1. Lettre de l’empereur au roi de Naples, Schœnbrunn 17 mai 1809. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XIX, p. 20.
  2. Lettre du roi Murat à l’empereur Napoléon, 30 mai 1809. — Il y a ici, soit dans la Correspondance de Napoléon Ier imprimée par le gouvernement, soit dans les lettres originales de Murat, que nous avons consultées au département de la guerre, quelques erreurs de dates d’ailleurs insignifiantes. Dans la correspondance imprimée, la lettre de l’empereur est datée du 17, non du 18, comme le dit le roi Murat, et l’on y lit que l’occupation de Rome doit être gardée secrète jusqu’au 1er juin et non pas jusqu’au 5. Faut-il supposer qu’une lettre datée du 18 a été omise dans la correspondance imprimée; nous ne le croyons pas. Il s’agit probablement d’une simple erreur commise à l’imprimerie impériale par suite de l’indéchiffrable écriture de l’empereur. En réalité, la prise de possession de Rome n’a d’ailleurs eu lieu que le 10 juin.