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Il disposait de la Gazette romaine, sur laquelle il avait mis la main malgré la protestation du saint-père et de son ministre ; il pouvait y faire insérer à son gré des articles auxquels le gouvernement pontifical n’avait pas le droit de répondre. Il avait également à sa merci une sorte de garde civique portant on ne sait pourquoi la cocarde française et composée en partie d’Italiens des provinces du nord et du midi, en partie d’une foule de gens sans aveu. Au milieu de cette confusion indescriptible, il régnait toutefois un certain ordre extérieur et une sorte de tranquillité matérielle qui faisait l’étonnement du petit nombre d’étrangers qui résidaient encore à Rome. Le saint-père continuait à être moralement obéi et respecté par l’immense majorité de ses sujets, comme s’il fût demeuré en possession de toute sa puissance temporelle. De son côté, le général Miollis, allié par nécessité, mais sans goût, aux hommes de désordre, maintenait la discipline non-seulement dans les rangs de son armée, dont l’attitude était exemplaire, mais jusque parmi ses compromettans auxiliaires.

Un tel état des choses ne pouvait certainement durer longtemps ; mais, comme nous l’avons dit tant de fois, la solution qu’allait recevoir la question romaine ne dépendait en aucune façon de ce qui se passait sur les lieux entre le pape et le général Miollis. À coup sûr, le parti de l’empereur était pris. Dans sa pensée, le pouvoir temporel des papes était définitivement condamné. A quel moment se croirait-il assez fort pour lui donner le coup de grâce ? Là était toute la question. Elle dépendait uniquement de ce qui, allait advenir en Europe. Déjà les succès remportés dans le courant de l’été et de l’automne de 1808 contre l’Espagne catholique donnaient à Napoléon la facilité de garder moins de ménagemens envers le saint-siège, et tout aussitôt il en profita pour faire arrêter dans son palais et renvoyer de Rome le chevalier de Vargas, l’ancien ambassadeur du roi Charles IV. Au printemps de 1809, à peine avait-il obtenu ses premiers avantages contre la maison d’Autriche, la seule grande puissance qui pouvait encore prétendre à défendre contre lui le chef de la catholicité, à peine s’était-il ouvert la route de Vienne, tombée une seconde fois entre ses mains, qu’assuré de n’avoir plus désormais à compter avec personne l’empereur se décidait à porter enfin le dernier coup à la puissance temporelle du saint-père. Ce fut à Schœnbrunn qu’il arrêta sa résolution définitive. Les grandes batailles d’Essling, de Wagram, n’étaient point encore gagnées. N’importe, le succès ne lui semblait plus douteux. Quelques instans de repos étaient nécessaires pour refaire son armée et préparer de plus décisives victoires ; il les emploiera à jeter bas entre deux triomphes ce vieil édifice du pouvoir temporel des papes, jadis fondé par Charlemagne et qu’un second Char-