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quelques-unes avaient trait à des arrestations arbitraires faites par les autorités françaises, et d’autres se rapportaient à des actes de violences commis par des hommes porteurs de la cocarde tricolore; mais l’écrit qui souleva principalement les colères du général Miollis fut une notification relative à la garde civique qui s’organisait alors dans les états romains, malgré l’opposition du saint-père, avec l’assentiment secret, quoique souvent démenti, des autorités françaises. Le 24 août au matin, cette notification, revêtue du sceau pontifical et signée de la main de Pie VII, avait été simultanément affichée tant à Rome que dans toutes les villes des environs, et les mesures du cardinal Pacca s’étaient trouvées si bien prises, la surveillance française si complètement déjouée, que pas un seul des nombreux agens employés par le cardinal secrétaire d’état ne fut saisi ni même découvert.

Pour s’expliquer l’irritation qu’éprouva le général Miollis en apprenant l’audacieuse démarche du cardinal Pacca, il faut se rappeler au milieu de quelles circonstances elle venait de se produire, et quel était l’état général du continent européen au moment où le saint-père se mettait à renouveler tout à coup ses plaintes contre l’empereur Napoléon non-seulement avec une vivacité nouvelle, mais aussi avec une sorte de confiance inusitée. Ce moment était celui où les cours étrangères apprenaient, non sans surprise et sans une joie assez mal dissimulée, les désastreux détails de la capitulation du général Dupont à Baylen, le départ précipité de Madrid du roi Joseph et l’envoi fait en Espagne d’un renfort de 100,000 vétérans, enlevés subitement à l’armée du Rhin. A Rome, comme ailleurs, on savait que l’empereur allait prendre lui-même en main, de l’autre côté des Pyrénées, la conduite de la guerre contre la nation espagnole révoltée; à Rome, plus qu’ailleurs, on était sympathique à la cause d’un peuple qui prenait les armes pour défendre son souverain légitime et sa foi religieuse : justement parce qu’on formait des vœux contre l’empereur et pour les Espagnols, on n’était pas éloigné de croire un peu, comme il arrive toujours, aux événemens que l’on désirait si fort. Devançant de beaucoup les faits, on voyait déjà les Espagnols, aidés des Anglais, triompher de l’habileté du grand capitaine et du courage de ses vaillans soldats. On espérait, tout en tremblant encore, car la fortune avait souvent trahi pareille attente, on espérait cependant voir enfin arriver le terme de l’occupation française. Ce qui ajoutait peut-être à cette demi-confiance du Vatican, c’est qu’il n’ignorait probablement plus la diversion projetée de l’Autriche en Allemagne et ses armemens considérables, armemens assez manifestes déjà pour avoir excité les ombrages de Napoléon et donné lieu de sa part (15 août 1808) à la scène publique qu’il n’avait pas craint de