Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rain, quoi qu’il m’en puisse arriver[1]. » Pour le moment, le général Miollis préféra en rester là.

Cependant les intentions du saint-père étaient positives. Il lui semblait qu’il manquait à ses devoirs les plus sacrés en ne protestant pas à la face du ciel contre les violences dont il était l’objet. Déjà il s’était donné une première satisfaction en réunissant les cardinaux en consistoire le 11 juillet 1808 pour leur lire une seconde allocution pontificale dictée par les mêmes sentimens qui avaient inspiré celle du 16 mars. Elle se terminait comme la première par une invocation à la toute-puissance céleste.


« Quant à nous, disait Pie VII, nous invoquons le Dieu tout-puissant qui est le roi des rois, le seigneur des seigneurs, le Dieu des armées, qui trouble, quand il lui plaît, l’esprit des princes, le Dieu protecteur, le Dieu vengeur de notre cause ou plutôt de la cause de son église, nous le supplions de jeter du haut du ciel ses regards sur nous, de prendre soin de la vigne qu’il a plantée, de la garder et de la défendre contre ses ennemis. Nous le conjurons de nous assister actuellement de son puissant secours, de soutenir son église et de se charger lui-même du soin de sa propre cause. Ne cessons point, vénérables frères, ne cessons point d’unir nos prières et nos plus vives instances dans le jeûne et dans les larmes, car le père de toutes les consolations est aujourd’hui notre unique refuge. Levons donc nos yeux vers cette sainte montagne dont nous pouvons attendre notre secours, et implorons celui du prince des pasteurs, afin qu’il commande aux orages et qu’il se fasse un grand calme. « Le Seigneur est avec son peuple, et pour toujours[2]. »


Quel qu’en fût le retentissement au sein du clergé pontifical et parmi la société romaine, les paroles adressées par le saint-père aux cardinaux ne pouvaient être entendues bien loin, alors que le saint-siège ne possédait plus une seule imprimerie pour répandre dans toute la chrétienté les plaintes douloureuses du chef de l’église, et l’empereur, si cela lui convenait, pouvait feindre lui-même de n’en avoir pas ouï parler. C’est pourquoi Pie VII insistait pour que son nouveau secrétaire d’état prît la plume et adressât au général Miollis de nouvelles protestations. « J’avoue, dit à ce propos le cardinal Pacca, que le ton haut et acerbe de ces notes me faisait quelque peine et me paraissait même peu convenable dans la correspondance d’un ministre ecclésiastique; mais je dus me conformer à la volonté de mon souverain, qui suivait en cela l’opinion publique et celle de tous les gens de bien[3]. » Parmi ces notes,

  1. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier, p. 53.
  2. Allocution du pape Pie VII aux cardinaux réunis dans le consistoire secret du 11 juillet 1808.
  3. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier, p. 86.