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culaire qui vient de lui attirer de nouveaux désagrémens, et que l’on qualifie ici de direction purement spirituelle, me paraît impolitique, d’ailleurs mal dirigée, et s’écartant tellement des lumières du siècle qu’elle ne pourrait que laisser une impression désagréable sur la plupart de ceux qui en feraient la lecture. Les sentimens qui y sont exprimés sur la tolérance des cultes regardent tous les souverains, et, quand même ils seraient conformes aux anciennes maximes, ce n’est point l’époque où ils peuvent être proclamés et appliqués, dès qu’ils sont en opposition avec les principes que des souverains pieux et zélés pour le catholicisme ont cru devoir établir... Il est toujours bien à déplorer, ajoutait M. de Lebzeltern, qu’une conciliation si désirable entre la cour de France et la cour de Rome paraisse devenir à tout moment plus problématique, sinon tout à fait impossible[1]. »

M. de Lebzeltern avait sans doute raison quand il blâmait l’imprudence de la circulaire adressée aux évêques italiens; il n’avait pas tout à fait tort non plus quand il regrettait, sans toutefois en donner des motifs ni très justes ni très relevés, les principes exposés par le saint-père dans sa circulaire. Ce n’en était pas moins un signe caractéristique de cette époque d’entendre un ambassadeur d’Autriche parler alors à Rome avec tant de goût des lumières du siècle ; à coup sûr, M. de Lebzeltern ignorait tout à fait les préparatifs de sa cour en vue d’une guerre prochaine avec l’empereur, quand il prenait résolument parti contre le pape en faveur des souverains si pieux et si zélés pour le catholicisme qui avaient eu le mérite d’établir la tolérance dans leurs états; il était loin de soupçonner l’alliance à peu près formée déjà, moyennant de gros subsides, entre l’Autriche et l’Angleterre, lorsqu’en termes pleins de tristesse il déplorait le manque fâcheux d’accord entre Rome et Paris. Quant aux nouveaux désagrémens que, par sa faute sans doute, s’était attirés la cour de Rome, voici ce dont il s’agissait.

A peine le général Miollis avait-il eu connaissance de la circulaire adressée aux évêques italiens, qu’il s’était hâté d’en envoyer copie à Bayonne; mais il fallait attendre longtemps avant de recevoir les instructions de l’empereur. Que déciderait-il? Il était bon cependant de prévenir des troubles qui par le fait n’éclatèrent point, mais qu’à Rome chacun croyait imminens dans les provinces italiennes récemment annexées. Ainsi que nous l’avons dit, il y avait eu division jusque parmi les membres du gouvernement pontifical sur l’opportunité des instructions envoyées aux, évêques de ces provinces. On disait beaucoup que le secrétaire d’état ne les. avait pas approuvées, ce qui paraissait vrai; on ajoutait même, ce

  1. Lettre de M. le chevalier Louis de Lebzeltern au comte Stadion, citée par M. Artaud, Vie de Pie VII, t. II, p. 190