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de souverain, avaient, quelle que fût sa douceur, fini par jeter le saint-père dans une sorte d’exaspération nerveuse. On lui avait déclaré la guerre, soit; il saurait bien la soutenir, il la soutiendrait par les moyens qui lui étaient propres, les seuls qui eussent été laissés à sa disposition. On l’accablait par la force matérielle, il ferait, lui, appel à la conscience de ses sujets. Le gouvernement français entendait exiger le serment des fonctionnaires nouvellement nommés dans les provinces italiennes détachées de ses états, eh bien! il leur interdirait ce serment. A des prétentions sans justice il opposerait les droits du prince légitime. Non-seulement il protesterait hautement par la voie diplomatique contre un décret inique (celui du 2 avril 1808) qui le privait des plus belles provinces de sa souveraineté temporelle[1], mais il écrirait aux évêques des provinces réunies au royaume d’Italie afin de les avertir de la conduite qu’ils avaient à tenir en face de l’usurpation française et des règles qu’ils devaient prescrire aux fidèles de leurs diocèses[2].

La décision à laquelle Pie VII venait de s’arrêter dépassait en importance toutes celles qu’il avait prises jusqu’à ce jour, et rien n’était plus grave, soit au point de vue politique, soit au point de vue religieux, que la teneur des instructions qu’il prenait sur lui de faire en ce moment parvenir aux évêques des provinces d’Urbin, d’Ancône, Macerata et Camerino. Non-seulement elles avaient pour but de circonscrire la nature des rapports que ces évêques étaient personnellement autorisés à entretenir avec les nouvelles autorités françaises, mais elles posaient au nom de la religion des principes qui devaient également servir de règle à tous les habitans catholiques de ces provinces. Après avoir établi que les droits de la souveraineté pontificale étaient d’une essence unique en son genre et supérieure à ceux de toutes les autres souverainetés. Pie VII parlait avec une réprobation toute nouvelle dans sa bouche de ce gouvernement français qu’il s’agissait de substituer au gouvernement de l’église.


« C’était, — s’écriait-il dans des termes à tout le moins un peu extraordinaires de la part de celui qui avait signé avec tant de satisfaction le concordat, et qui naguère encore, il y avait deux mois à peine, avait été sur le point de s’allier avec Napoléon contre l’Angleterre, — c’était un gouvernement notoirement envahisseur de la puissance spirituelle et protecteur de toutes les sectes et de tous les cultes. La formule de ses sermens, ses constitutions, son code, ses lois, ses actes, respi-

  1. Lettre à M. le chevalier Alberti, chargé d’affaires du royaume d’Italie, 19 mai 1808. — Circulaire aux ministres étrangers près la cour de Rome, 19 mai 1808. — Lettre aux cardinaux, 19 mai 1808.
  2. Lettre du pape Pie VII aux évêques des provinces réunies au royaume d’Italie.