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pas retrouvé les traces, soit plutôt qu’il cédât, malgré sa modération ordinaire, à l’impatience assez naturelle que lui causait la position embarrassante où le maintenait son gouvernement, saisissait sans beaucoup de choix et sans aucune utilité apparente toutes les occasions possibles de blesser de plus en plus le pape. C’est ainsi que, le 7 avril, un officier commandant un détachement de soldats français se présentait par son ordre à la grande porte du palais du Quirinal. Le Suisse qui était de garde, ayant déclaré qu’il ne pouvait admettre une troupe armée dans la demeure du saint-père, offrit néanmoins à l’officier, s’il voulait entrer seul, de lui faire ouvrir la petite porte du palais. A peine cette porte était-elle entre-bâillée, que l’officier, s’y précipitant, fit signe à ses soldats de le suivre, et tous ensemble, la baïonnette en avant, s’élancèrent dans la cour du Quirinal; puis la troupe française se porta dans l’intérieur du palais et s’empara du petit nombre d’armes qui servaient à monter la garde dans les antichambres du souverain pontife[1]. Cette violation de son domicile, accomplie presque sous ses yeux au moyen d’une misérable ruse, fut extrêmement sensible à Pie VII. Il n’apprit pas avec moins d’émotion qu’à la même heure d’autres détachemens, envoyés par les rues de la ville, avaient arrêté et conduit au château Saint-Ange les soldats de sa garde noble ainsi que leurs principaux officiers. A coup sûr c’étaient, en cas de lutte avec l’armée française, de faibles défenseurs pour la cause du saint-père que ces jeunes gens qui appartenaient aux premières familles de Rome, et qui remplissaient auprès de. sa personne les mêmes fonctions qu’autrefois à Paris, à Versailles et à Vienne les fils de la noblesse avaient coutume de briguer à la cour de leurs souverains. Si de part et d’autre on avait couru aux armes, ce ne sont pas les vieilles hallebardes fleurdelisées que les étrangers remarquent avec étonnement aux mains des Suisses et des Bergamasques dans toutes les cérémonies religieuses de Rome qui auraient décidé du sort de la bataille. L’injure était gratuite, et par cela même d’autant plus amèrement ressentie par Pie VII. Quel motif, sinon l’envie d’aigrir profondément le saint-père et de le porter à quelque fâcheuse extrémité, avait pu engager le général Miollis à faire presque à la même époque arrêter un prélat distingué dont Pie VII faisait un cas tout particulier? La seule bienveillance que lui témoignait son souverain semblait avoir attiré cette violence sur la tête de Mgr Cavalchini, chargé des fonctions assez peu importantes de gouverneur de Rome[2].

Cette série de mauvais procédés, ces raffinemens dans le choix des coups dirigés contre sa dignité de pontife et son indépendance

  1. Lettre du cardinal Gabrielli au général Miollis, 7 avril 1808.
  2. Lettre du cardinal Gabrielli au général Miollis, 22 avril 1808.