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fussent les favorables dispositions du commandant du corps d’occupation et celles du ministre de France à Rome, tous deux pleins de respect pour le saint-père, ils avaient à exécuter les ordres d’un maître auquel il n’eût pas été prudent de désobéir, et ces ordres, on se le rappelle, étaient fort positifs. Il avait été enjoint à M. Alquier de s’opposer « à toute circulation d’imprimés ou actes quelconques contraires à la France que le gouvernement romain pourrait publier, et d’en rendre responsables la police et les libraires de Rome »[1]. C’est en vertu de ces instructions trop précises pour être négligées que les troupes françaises s’étaient emparées de l’administration des postes et de la police des imprimeries. Les exemplaires de la protestation pontificale qui avaient été placardés le 2 février au matin sur les murs de Rome en avaient été presque aussitôt arrachés par ordre du général Miollis, et M. Alquier de son côté n’avait pas manqué de faire un crime irrémissible au cardinal Casoni de la publicité donnée à la protestation du saint-père. Dans sa note datée du à février, il représentait cette pièce, que nous venons de mettre tout entière sous les yeux de nos lecteurs, comme « tendant à égarer l’opinion et à troubler la tranquillité publique par des assertions couvertes d’un voile religieux. » Tel était, pour se conformer à ses instructions, le besoin qu’éprouvait M. Alquier de se créer des griefs imaginaires ou même extravagans, qu’il avait découvert un motif d’accusation contre le Vatican dans le simple fait que la protestation du saint-père ne nommait point l’empereur. Il n’hésitait pas à reprocher sérieusement au cardinal secrétaire d’état de s’être servi des mots le gouvernement français, afin d’imiter, disait-il, le cabinet de Londres[2]. Le cardinal n’avait eu nulle peine à répondre à M. Alquier que la note dont il se plaignait avait justement été conçue pour calmer l’irritation populaire, et qu’à la grande satisfaction de Pie VII ce but avait été en fait complètement atteint; si l’on avait évité de nommer personnellement l’empereur, c’était là une nouvelle preuve de la délicatesse constante du saint-père et du respect profond et invariable que son ministre ne cessait de professer pour l’auguste personne du souverain français. L’expression dont M. Alquier se plaignait était usitée dans le langage diplomatique. Le ministre des relations extérieures à Paris, la légation française à Rome, l’avaient continuellement employée. Dans les circonstances fâcheuses du moment, c’était par un égard particulier envers le souverain de la France que le Vatican s’en était servi[3].

  1. Lettre de l’empereur à M. de Champagny, 22 juillet 1808. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XVI, p. 264.
  2. Note de M. Alquier à M. le cardinal Casoni, 4 février 1808.
  3. Lettre du cardinal secrétaire d’état Casoni à M. Alquier, 6 février 1808.