Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gretter qu’au lieu de se contenter d’une eau dormante on n’ait pas fait circuler autour de la grotte un véritable ruisseau dans des cloisons à jour et divisé par des barrages en plusieurs compartimens pour y loger les différentes espèces. On se fût de cette façon rapproché davantage de la nature et l’on eût mis les poissons dans des conditions bien préférables à celles où ils se trouvaient. Nous ferons à cette exposition le reproche beaucoup plus grave de n’avoir été qu’un simple objet de curiosité, quand il eût été si facile d’en faire un moyen d’instruction par des notices et par des explications verbales qui auraient appris au public les mœurs des poissons et les différentes manières de s’en emparer.

Il en a été de même de la pisciculture proprement dite, qui, représentée seulement par divers appareils à éclosion et quelques poissons conservés dans des bocaux et envoyés par nos établissemens officiels, est restée lettre morte pour la plupart des visiteurs. Quel enseignement au contraire ceux-ci n’eussent-ils pas pu en tirer, si on avait effectué devant eux les opérations qui constituent la pisciculture, depuis la fécondation jusqu’à l’éclosion des œufs, et si on leur avait montré les poissons dans les diverses phases de leur développement ! Il n’en eût pas fallu davantage pour répandre des pratiques encore peu connues et pour décider les particuliers à se livrer à la production artificielle du poisson. Or c’est là tout le problème, car la pisciculture ne deviendra une vérité que lorsque les particuliers la prendront au sérieux. Tant qu’elle restera dans les régions officielles, il serait peut-être imprudent de la considérer comme une des plus grandes découvertes des temps modernes, ainsi qu’on l’a qualifiée dans un premier moment d’enthousiasme.

Tâchons donc de suppléer au silence des organisateurs de l’aquarium, et, rappelant les divers travaux publiés sur ce sujet, de rechercher les conditions essentielles de la production du poisson en France[1]. Nous ne reviendrons pas sur l’historique de la pisciculture. M. Baude l’a exposé en détail dans un travail remarquable dont les lecteurs de la Revue n’ont pas perdu le souvenir[2]. Nous nous bornerons à rappeler en peu de mots que l’on est arrivé à féconder artificiellement les œufs des poissons en projetant par une

  1. Restreignant notre cadre au côté économique de cette question, nous ne pouvons parler de la pêche envisagée comme exercice de sport ; mais nous ne saurions trop recommander à ceux qui s’y livrent la lecture du Nouveau Dictionnaire des Pêches, par M. de la Blanchère, actuellement en cours de publication. Ils y trouveront, avec les figures à l’appui, non-seulement tous les détails que comporte cet intéressant sujet, mais une description scientifique très complète de toutes les espèces de poissons.
  2. De l’Empoissonnement des eaux douces, par M. Baude, dans la Revue du 1er  janvier 1861.