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des concessions de terrains pour y établir des huîtrières ; Ces concessions, qui, au nombre de cent seize, s’étendent aujourd’hui sur 370 hectares, n’ont pas toutes également réussi. Un grand nombre de celles qui ont été accordées à des marins de l’inscription maritime ou à des spéculateurs qui comptaient y trouver de gros bénéfices sans se donner aucune peine ont absolument échoué ; mais celles qui sont tombées entre les mains de gens du pays, habitués au travail, ont produit des huîtres en abondance, et il en est quelques-unes qui rapportent jusqu’à 1,500 francs net par hectare. On cite notamment les huitrières de l’île de Ré, qui depuis quelques années sont pour les habitans la source d’une prospérité remarquable.

Les meilleurs fonds pour l’ostréiculture sont ceux qui présentent une couche de sable fin peu épaisse, formée de coquilles pulvérisées et parsemée de fragmens de roches qui puissent offrir aux jeunes huîtres un point d’appui suffisant. Il faut aussi, pour l’établissement d’une huîtrière, choisir des fonds émergens de préférence aux fonds toujours immergés, dont l’envasement est souvent à craindre. Les premiers au contraire, découverts pendant l’intervalle des marées, facilitent beaucoup les travaux de culture. Ces travaux, qui comprennent le triage des sujets, l’arrangement, la cueillette, l’ensemencement, la défense, la destruction des parasites, la préparation des parcs, sont incessans et minutieux. Ils exigent une grande persévérance, et pour ce motif conviennent peu aux marins instruits, qui, une fois leurs appareils collecteurs mis en place, abandonnent les parcs à eux-mêmes et s’en vont pêcher en haute mer ; mais le plus sérieux obstacle au développement de cette industrie vient de l’administration de la marine elle-même et des exigences de l’inscription maritime.

On sait que l’état se considère comme propriétaire de tous les rivages, c’est-à-dire de tous les terrains qui, recouverts par les plus fortes marées, émergent à la marée basse ; ces terrains, dont l’étendue est évaluée à 200,000 hectares et qui sont précisément ceux sur lesquels on pourrait établir des huîtrières, l’administration de la marine, sous prétexte d’assurer le service de la navigation, refuse de s’en dessaisir. Elle consent, il est vrai, à accorder des concessions ; mais ces concessions sont temporaires, souvent insuffisantes, toujours révocables, et ne sont données qu’aux marins compris dans les cadres de l’inscription maritime, lesquels, faute d’aptitude, sont le plus souvent incapables d’en tirer parti[1]. Les

  1. Une exception à cette règle a cependant été faite dans l’île de Ré, et c’est ce qui explique le succès que nous avons constaté plus haut.