Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les armemens pour la pêche se font vers la fin de décembre. À cette époque, toutes les familles sont occupées des préparatifs du départ ; les femmes raccommodent les vêtemens, apprêtent les vivres, qui consistent en pain d’avoine et de seigle, farine d’orge, beurre, viande séchée ; les hommes réparent les filets et remettent leurs bateaux en état. Ces bateaux, qui ont de 36 à 40 pieds de long sur 9 de large, sont construits en planches de sapin ; ils ne sont pas pontés et ne portent qu’une seule voile carrée. Le jour du départ arrivé, l’équipage, ordinairement composé de cinq hommes le plus souvent associés dans l’entreprise et d’un mousse, choisit son chef (hovedsmand), qui est toujours le plus habile d’entre eux. Les pêcheurs en effet tiennent compte non de l’âge ou de la fortune de celui qu’ils élisent, mais seulement de son sang-froid et de son courage, car ils savent que leur vie est entre ses mains ; aussi lui obéissent-ils aveuglément. L’autorité du chef s’exerce pendant tout la durée de la campagne, sur terre comme sur mer ; c’est lui qui passe les marchés et qui discute toutes les affaires de son équipage.

Arrivés aux îles Lofoden[1], les pêcheurs louent aux propriétaires du sol des cabanes construites en planches brutes qui doivent leur servir d’abri. Composée d’une seule pièce et d’un magasin pour enfermer les vivres, les barils et les filets, chacune de ces cabanes sert à loger de 6 à 12 hommes. L’atmosphère qu’on y respire, viciée par les émanations humaines et par l’évaporation de l’eau des vêtemens qu’on y fait sécher, serait irrespirable pour d’autres que pour ces rudes marins ; mais ils s’y habituent et s’estiment même heureux d’être à couvert quand beaucoup des leurs sont, faute de place, obligés de passer des nuits dans la neige, dans leurs vêtemens mouillés et sans autre abri que la voile de leur bateau. Leur nourriture est saine et assez abondante ; elle se compose le matin de café, à midi de viande, de pain et de pommes de terre, le soir de poissons frais ou de foie cuit et. de pain.

La pêche se fait de trois manières : avec des lignes à plomb, avec des lignes de fond et avec des filets. La ligne à plomb n’est plus employée que par les pêcheurs trop pauvres pour se procurer des filets ou des lignes de fond ; elle ne produit guère plus de 50 poissons par jour. Un bateau armé pour la pêche à la ligne de fond doit avoir à bord 6 bacs ou 24 lignes, dont chacune est pourvue de 120 hameçons placés à 1m, 50 l’un de l’autre et amorcés au moyen d’un hareng salé en guise d’appât. Ces lignes sont fixées à une corde maintenue sur l’eau au moyen de flottes, c’est-à-dire de

  1. Ces îles sont habitées par une population d’environ 20,000 âmes, qui y réside toute l’année.