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ait répondu à l’opposition libérale : « Un ex-souverain qui accepte une indemnité supérieure à son revenu antérieur abdique par ce fait même sa couronne. Il a vendu ses droits et en conséquence il y a mis fin, bien qu’il n’aime point à se l’entendre dire. S’il veut jouer le rôle de prétendant, je l’aime mieux riche que pauvre. Le roi de Prusse a voulu que les souverains qu’il a été malheureusement contraint de déposer continuassent à jouir de la totalité de leurs anciens revenus, et le cabinet, sachant que quelques cours étrangères, jalouses des succès de la Prusse, seraient conciliées par cette générosité, le cabinet a dû prêter son concours au décret royal. On doit supposer que le cabinet s’entend mieux à ces affaires que ceux qui, ayant commencé par pousser des clameurs contre la guerre, cherchent maintenant à en compromettre les résultats. Si la chambre n’est pas de cette opinion, il ne me restera qu’à donner ma démission et à voir si d’autres feront mieux que moi. » Voilà la bourrade adressée aux libéraux par l’illustre ministre ; voici celle qu’ont reçue les conservateurs. M. de Bismarck voulait prélever 12 millions de thalers sur le domaine hanovrien et les répartir entre les assemblées provinciales, qui les eussent appliqués aux besoins des localités. Les conservateurs, craignant que cette subvention ne réveillât les forces du parti autonome en Hanovre, résolurent de repousser la proposition du ministère. M. de Bismarck, invité à ménager les intérêts du parti conservateur, répondit que sans lui ce parti aurait disparu, et qu’il lui devait son appui. « Qui a été assez courageux pour occuper le ministère à l’époque de la lutte constitutionnelle, si ce n’est moi et mes collègues ? Que serait-il advenu de l’opinion conservatrice, si j’avais décliné l’offre de sa majesté ? C’est pourquoi, comme je crois nécessaire de nous concilier le Hanovre sans offenser aucune doctrine conservatrice, le gouvernement a droit à l’aide de ceux qui lui sont redevables de si grands services. Nous sommes des ministres constitutionnels, et si les conservateurs nous abandonnent, nous devrons nous appuyer sur le parti libéral. » La bonne intelligence a-t-elle été troublée entre M. de Bismarck et le roi de Prusse à la suite de ces tiraillemens parlementaires ? Malgré certaines rumeurs, nous ne le pensons point. Nous croyons que M. de Bismarck quitte les chambres et prend un congé pour des raisons de santé. Il ne semble guère possible qu’une nature humaine résiste sans lassitude aux travaux que M. de Bismarck a soutenus dans ces dernières années, aux émotions terribles qu’il a si intrépidement bravées. Le repos lui est nécessaire. On assure que ce lutteur, qui a donné tant d’insomnies aux autres, a perdu le sommeil lui-même. Ses admirateurs doivent donc faire des vœux pour que M. de Bismarck recommence bientôt à dormir.

Les Italiens patriotes nous demandent que l’on soit sévère envers leur pays au nom même de la sympathie qu’on lui porte. Il est certain que de bonnes résolutions sont prises par ceux qui veulent tirer l’Italie de