rie de dire que jamais M. Rouher n’a parlé avec plus d’élévation et de puissance. Ceux qui suivent avec sympathie les acteurs laborieux de la vie publique se féliciteront de voir M. Rouher lié désormais par ce pacte solennel avec la cause libérale.
C’est le trait caractéristique de l’œuvre législative poursuivie en ce moment que le seul élément libéral qu’elle ait en elle soit contenu dans l’article premier, et que les autres dispositions de la loi semblent avoir été conçues et dirigées contre le développement naturel et logique de la liberté établie par cet article premier. La presse, devenue libre, est resserrée et menacée de tous côtés. On lui impose des charges fiscales, on la soumet à des pénalités spéciales exceptionnelles, qui ne sont point conformes à l’équité, et accumulées avec une exagération qui n’est point conforme à l’esprit de nos lois ; ces pénalités sont encourues pour des délits dont il est impossible de donner une définition précise et qui enchaîne le juge à l’application de la loi : ces délits, auxquels sont attachées des pénalités énormes, restent livrés à l’appréciation arbitraire du juge. Les délits politiques de la presse ayant le caractère de ne point se prêter à des définitions exactes, constantes, invariables, étant par conséquent destinés à être interprétés diversement suivant les variations de l’opinion, toute la doctrine libérale prononce que le seul juge équitable et légitime de ces délits ne peut être que le jury, véritable expression de la pensée publique. La loi, contrairement aux enseignemens de la philosophie et de l’expérience politiques, donne à la magistrature la juridiction sur les délits de presse, et interdit la publicité des débats dans les procès intentés aux journaux.
Si l’on passe en revue les flagrantes inconséquences de la législation qui s’élabore sous nos yeux, on est frappé des contradictions et des imprudences qui s’y rencontrent. C’est d’une part à la démocratie qu’un régime tel que le nôtre doit rapporter les franchises de la presse, c’est d’un autre côté le principe démocratique de la liberté qu’il doit observer dans les mesures de fiscalité appliquées aux journaux. À notre époque, chez tous les peuples imbus d’esprit moderne, les journaux sont considérés comme un produit qu’il faut porter au niveau de la consommation la plus étendue ; les journaux sont un des plus puissans instrumens d’information, d’éducation continue pour les masses et de rapprochement entre les hommes. Chez les peuples qui ont le sens commun et qui ont profité des leçons de l’expérience, on considère le journal comme un agent d’une utilité semblable à celle des chemins de fer, de la télégraphie électrique, du libre échange des produits. Il en est ainsi en Angleterre, où la suppression du timbre sur les journaux et la diffusion d’instruction qui en est résultée pour la nation entière est une de ces réformes dont M. Gladstone tire à juste titre une de ses plus grandes gloires. Il en est ainsi aux États-Unis, en Belgique, en Suisse, en Italie. Il va en