Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/1048

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 février 1868.

La France vient de traverser une scène émouvante de sa vie politique intérieure. Le régime qui soumettait la création des journaux à l’autorisation du pouvoir exécutif est définitivement abandonné. Le vote de l’article premier de la nouvelle loi sur la presse a tranché la question entre la servitude et la liberté, et c’est la liberté qui l’emporte. La résolution a été prise par le gouvernement et par la chambre au milieu de circonstances qui, durant quelques jours, avaient tenu les esprits dans une anxiété pénible et haletante.

Le discours décisif prononcé par M. Rouher à la séance du 4 février a mis le public dans la confidence des perplexités suprêmes qui ont agité les conseils du gouvernement au moment où le sort de l’article premier et par conséquent de la loi allait être mis en jeu. Toutes les forces de résistance de l’esprit réactionnaire s’étaient donné rendez-vous à la dernière heure pour fermer l’issue à la liberté. Une portion de la majorité du corps législatif paraissait solliciter avec ardeur le retrait de la loi. Ce qu’il y a toujours dans les hautes sphères du pouvoir de gens timides et indécis ou d’esprits étroits et têtus s’efforçait de faire avorter la plus considérable des promesses contenues dans le programme du 19 janvier. Les idées et les intérêts rétrogrades ont lutté pendant ces heures ardentes pour étouffer la franche initiative de l’opinion publique par la presse, qui était depuis un an devant la France une espérance sortie de la parole impériale. Ces dernières et violentes résistances ont par bonheur été vaincues ; M. Rouher, très remué lui-même par ces débats intimes qui pouvaient affecter défavorablement la situation générale et) (sa propre situation personnelle, a été enfin autorisé à maintenir l’article premier et la loi, à déclarer que le gouvernement, au lieu de reculer, voulait marcher loyalement et courageusement en avant. Ce n’est point une flatte-