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nomenclature, mais aussi pour réglementer les sociétés admises par la pratique. Dans les sociétés en nom collectif et dans la commandite, il a exigé qu’un extrait de l’acte de société fût publié au greffe du tribunal et dans les journaux d’annonces judiciaires, que toute modification introduite soit dans le chiffre du capital, soit dans les statuts, fût de la même manière portée à la connaissance du public. Ces formalités, prescrites à peine de nullité, n’étaient pas une dépense sérieuse pour les sociétés importantes ; mais elles constituaient une charge assez lourde pour les petites associations, surtout pour celles qui se formaient en tâtonnant, et reconnaissaient presque immédiatement après le début la nécessité de se modifier. Cependant, de quelque taille que fût l’entreprise, elle devait se soumettre aux mêmes conditions. Que d’associations pourtant auraient eu de la peine à supporter les frais qui résultent de l’obligation de faire connaître, soit par l’affiche d’extraits au greffe, soit par l’insertion dans les journaux, les plus petits changemens dans le capital ou le personnel ! Ceux qui ont l’habitude de jouer avec les gros chiffres trouveront sans doute notre préoccupation singulière, D’aussi insignifiantes dépenses valent-elles la peine qu’on en parle ? Rien n’est insignifiant pour les modestes ressources, et il ne faut pas retourner l’égalité devant la loi contre ceux qui n’ont pas le moyen de supporter une égalité onéreuse. Quant à la société anonyme, elle a été particulièrement tenue en défiance. Comme dans ces compagnies qui maniaient des capitaux considérables la responsabilité n’était nulle part, on crut nécessaire de soumettre cette espèce de société à l’autorisation préalable. Le gouvernement fut chargé d’examiner les statuts des compagnies anonymes, et, lorsqu’une entreprise ne lui paraîtrait pas offrir des chances de prospérité suffisantes, de l’empêcher de se former ; ceux qui commençaient les opérations avant d’avoir obtenu le décret d’autorisation étaient tenus solidairement envers les créanciers et pour le montant intégral des dettes, eussent-ils stipulé dans l’acte de société qu’ils ne s’engageaient que jusqu’à concurrence de leur mise.

Quel but se proposait le législateur en réglementant l’association avec tant de sévérité ? Son intention était bonne assurément ; il voulait défendre contre la fraude ou l’erreur ceux qui auraient à traiter avec des sociétés, et à la fois développer l’action de celles-ci en supprimant les causes de défiance qui pourraient s’opposer à leurs progrès. Croire, comme certains écrivains l’ont affirmé, que les rédacteurs de nos lois ne se sont inquiétés que de protéger le public ignorant ou crédule, ce serait réduire de moitié la pensée qui les a guidés. Ils ont certainement été convaincus que les mêmes dispositions prépareraient l’extension des sociétés. Elles donneront, se disaient-ils sans doute, une publicité légale aux documens qui