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lignes militaires, la nation est loin d’être épuisée. Tous les hommes valides étant soldats, la population, qu’elle soit de 1,500,000 âmes ou seulement de 1 million, est assez considérable pour opposer aux envahisseurs un nombre toujours égal de combattans. Si le Paraguay, dans une crise suprême, devait mettre sur pied autant d’hommes en proportion que les états à esclaves de l’Amérique du Nord en avaient dans leurs armées, le président Lopez pourrait compter sous ses ordres au moins 60,000 soldats. le fait est que jusqu’à présent les Brésiliens ont toujours trouvé leurs adversaires en nombre aux bords du Parana comme sur les rives de l’Apa et du Haut-Paraguay, et des milliers de recrues s’exercent en outre dans tous les camps de l’intérieur. Pourvu que l’armée de la république ait en quantité suffisante la nourriture, les vêtemens et les armes, elle peut résister indéfiniment à toutes les forces du Brésil, car elle ne reçoit point de solde et n’en demandé aucune.

En l’absence des hommes, ce sont les femmes qui cultivent le sol, et grâce à l’ensemble avec lequel elles ont su, en vue du salut public, combiner tous leurs travaux, la patrie paraguayenne n’a jamais eu à redouter de famine pendant la longue guerre ; cette année surtout, les récoltes de maïs, de manioc, de légumes, de fourrages, ont été d’une grande abondance. Ce sont aussi les femmes qui filent la laine et tissent les étoffes de toute espèce ; dans les entrepôts des camps, il n’est pas une pièce de vêtement qui ne soit sortie de la main des Paraguayennes, et qui n’ait été présentée au gouvernement en offrande patriotique. Quant à la fonderie de fer d’Ibicuy et à l’arsenal de l’Assomption, les ouvriers y travaillent jour et nuit sous la direction d’ingénieurs anglais pour fondre et rayer les canons, fabriquer les balles, les cartouches et la poudre, car c’est de l’incessante activité de ces établissemens que dépend l’indépendance même de la nation. En outre le blocus du Parana ne pouvait manquer de faire naître de nouvelles industries. Les Paraguayens construisent maintenant des machines, préparent d’excellent papier, utilisent pour la fabrication des étoffes certaines fibres textiles qui ne sont pas employées ailleurs, telles que le caraguata, l’ibira, l’ortie, remplacent les vins français par des vins indigènes, les objets de luxe importés jadis de l’étranger ou bien introduits malgré le blocus sont d’une excessive cherté ; cependant le chemin frayé pour la première fois en 1865, entre le Paraguay et la Bolivie par Corymba et Santa-Cruz de la Sierra est de plus en plus fréquenté des caravanes. Tout droit de douane et d’entrepôt ayant été supprimé en faveur des marchandises venues par cette voie, la ville de l’Assomption est devenue une place importante pour les négocians boliviens. Grâce à l’ouverture de la