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les fièvres paludéennes, les maladies de foie, l’hydropisie. Vers le commencement de l’année 1867, elle devait abandonner les terres basses et humides de Miranda pour gagner le campement plus salubre de Nioac, à l’endroit où la rivière du même nom commence à devenir navigable. Toutefois ce n’était là qu’une halte, car les ordres du gouvernement étaient formels : l’expédition devait se diriger, vers la rivière d’Apa, que l’empire réclame pour frontière au nord de la république du Paraguay, et le nouveau colonel de la petite armée, M. Camisão, tenait d’autant plus à exécuter ces ordres que son prédécesseur, le colonel de Carvalho, l’avait accusé de lâcheté devant les troupes. Le 28 février, les Brésiliens, qui n’avaient pas même un escadron de cavalerie, se mirent en marche, dans l’espérance insensée qu’en dépit de leur petit nombre ils pourraient non-seulement reconquérir la partie du Matto-Grosso occupée par les soldats de Lopez, mais aussi pénétrer dans le Paraguay et peut-être même occuper la ville de Concepcion, à 200 kilomètres à peine de la capitale. Pendant leur pénible marche, qui dura près de deux mois, ils n’eurent d’ailleurs à lutter contre d’autres obstacles que ceux opposés par la nature elle-même : partout les petits détachemens de Paraguayens se retirèrent sans combat. Même sur la frontière de l’Apa, la garnison du fortin de Bella-Vista se hâta d’évacuer son poste à la vue du drapeau brésilien : les envahisseurs avaient le chemin libre, seulement ils étaient exposés à mourir de faim. Ils essayèrent vainement de surprendre, à une vingtaine de kilomètres plus au sud, l’invernada de la Laguna, où le président Lopez faisait garder plusieurs milliers de têtes de bétail ; à l’arrivée des Brésiliens les bœufs avaient disparu. Il fallut bien se résoudre à la retraite afin de ne pas succomber d’inanition. Dès que le colonel Camisão eût repassé l’Apa, les insaisissables cavaliers paraguayens apparurent tout à coup sur les flancs et en tête de la petite bande pour s’emparer des traînards, obstruer les chemins, saisir les convois de vivres expédiés de Nioac. Devant chaque marécage, au tournant de chaque rivière, les Brésiliens, épuisés de fatigue et de faim et graduellement réduits en nombre, devaient se serrer les uns contre les autres pour résister à de soudaines attaques. On dit même que dans les plaines ils eurent souvent à s’enfuir précipitamment pour éviter l’incendie que l’ennemi avait déchaîné contre eux en allumant les grandes herbes. Afin d’éviter leur terrible escorte de cavaliers paraguayens, les fuyards durent se jeter à droite dans un pays montueux où les attendaient d’autres fatigues. Le choléra se déclara brusquement parmi eux : des centaines de cadavres furent ensevelis à la hâte ; 122 malades pour lesquels on n’avait plus de moyens de transport furent