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les soldats de l’escorte, parmi lesquels se trouvent un grand nombre de condamnés pour crimes, pillent en détail les chariots qui leur sont confiés ; enfin tout ce monde honteux de spéculateurs, d’aventuriers, de débauchés, qui pullule à la suite de l’armée prélève aussi sa part dans les entrepôts remplis à grand’peine par les fournisseurs argentins. Quant au pays, il n’offre aucune ressource, tout ayant été dévasté par les Paraguayens eux-mêmes, qui ont abattu jusqu’aux cabanes de joncs, démoli jusqu’aux chapelles des hameaux ; tout le territoire qui s’étend au sud du Rio-Tebicuari n’est plus qu’une solitude immense. Quelle sera la situation de l’armée brésilienne, si le général Urquiza fait exécuter avec rigueur la décision prise dans l’état d’Entre-Rios pour empêcher l’exportation du bétail, et si les provinces voisines en viennent à imiter cet exemple ? Ce serait pour se voir arracher de la bouche la nourriture de chaque jour que les malheureux miliciens et esclaves de l’empire auraient été transportés à des milliers de kilomètres de leur pays, dans les terres à demi noyées du Paraguay ! Quant à la garnison d’Humayta, elle est abondamment pourvue de toutes les denrées nécessaires à la vie, grâce au fleuve qui la fait communiquer avec l’Assomption, et sur lequel vont et viennent incessamment de nombreux bateaux à vapeur. Rien de sérieux ne pourra donc être tenté par les Brésiliens contre le quadrilatère ennemi tant qu’ils ne l’auront pas investi, tant qu’ils n’auront pas étendu leurs lignes du fleuve Parana au Rio-Paraguay, sur une demi-circonférence de plus de 40 kilomètres ; mais s’ils ont eu déjà tant de peine à maintenir leurs deux camps de Tuyuti et de Tuyucué, est- il probable que, même en doublant leur armée, ils puissent un jour se replier solidement au nord d’Humayta et se loger sur la rive gauche du Paraguay en prenant d’assaut le fortin de Tayi, situé sur une courbe du fleuve, au sud de la ville del Pilar ? C’est là ce que l’avenir nous apprendra.

Sur la frontière septentrionale de la république, les armes brésiliennes n’ont pas été plus heureuses que sur la frontière méridionale. Après avoir employé plus d’une année à terminer sa marche à travers les forêts coupées de rivières et de marécages qui séparent les plateaux atlantiques de la grande dépression centrale de l’Amérique du Sud, une petite troupe d’environ 2,000 hommes, recrutée dans les provinces de Goyaz, de São-Paolo et de Minas-Geràes, avait fini par atteindre en septembre 1866 le village de Miranda, situé sur la rivière du même nom, affluent du Haut-Paraguay. Elle y resta pendant trois ou quatre mois, s’occupant du commerce du sel et d’autres denrées avec les diverses tribus des Indiens du voisinage ; mais bientôt elle fut décimée par