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importans. C’est déjà beaucoup ; mais avec M. de Sybel nous côtoyons toujours de si près l’histoire contemporaine, à travers ses opinions sur un passé encore bien voisin de nous, on aperçoit si clairement son opinion sur l’Allemagne et la France actuelles, on devine si bien les sentimens qui sont ceux de ses compatriotes, que je n’ai pas le courage d’en finir trop vite avec lui. Ce n’est pas le moment d’ignorer ce que les Allemands pensent et d’eux et de nous.


I

Rien ne choque plus vivement M. de Sybel que la place excessive qu’on a laissé la révolution française usurper dans l’histoire. Il se propose, avant tout de remettre en lumière à côté d’elle les événemens contemporains qu’elle a trop éclipsés, de compléter le tableau dont on n’a montré jusqu’à présent qu’une partie, partie principale sans doute, mais qu’on ne saurait isoler des autres sans fausser l’ensemble. Il veut présenter enfin dans leur juste rapport trois faits inséparables, qui dépendent les uns des autres, procèdent de causes analogues et aboutissent à un résultat commun. Ces trois faits sont la révolution démocratique qui renverse la monarchie en France, l’anéantissement de la Pologne par suite des deux derniers partages et la dissolution de l’empire germanique. Déterminés également par la marche générale des choses qui amenait la fin du moyen âge, ils signalent la chute du régime féodal et l’avènement des grands états militaires qui caractérisent l’Europe moderne. Tel est le point de vue où se place M. de Sybel pour refaire non pas l’histoire de la révolution française seulement, mais celle de l’époque révolutionnaire tout entière.

Laissons de côté ce que cette idée présente tout d’abord d’assez étrange. Le double partage de la Pologne et la révolution française mis sur la même ligne comme des faits qui dériveraient des mêmes principes et tendraient à même fin, l’établissement du régime militaire en Europe donné pour la conclusion naturelle de la révolution, ce sont là des paradoxes à coup sûr plus hasardés que spécieux. Que la révolution n’ait point fait ce qu’elle a voulu, et que même elle ait fait tout le contraire, qu’elle ait abordé à l’occident lorsqu’elle croyait marcher à l’orient, on peut le soutenir à la rigueur, et cette thèse a trouvé plus d’un partisan ; mais on ne s’était pas avisé de nier jusqu’ici que ce qu’elle cherchait précisément, son but, sa folie, si l’on veut, était de subordonner la force et d’établir dans le monde un régime civil et libéral. C’est là au surplus une querelle à vider plus tard avec M. de Sybel. Le seul point à noter en ce moment est la place que le partage de la