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bruit de ceux qu’il aurait consultés et qui le mettraient à même de présenter sous un jour nouveau, le seul vrai bien entendu, beaucoup de faits importans. En France, les archives de la guerre, celles de l’empire, même les archives presque impénétrables des affaires étrangères, lui ont été ouvertes, et les correspondances des généraux en chef, les dépêches secrètes des commissaires de la convention, les papiers du comité de salut public, ont passé sous ses yeux. Il a fouillé les archives hollandaises de Leyde et les dépôts du State-paper office de Londres, où il a trouvé des trésors. Les archives d’état du royaume de Prusse et plusieurs bibliothèques nationales riches en documens inconnus lui ont donné la clé de bien des mystères. A vrai dire cependant, le nouveau n’est peut-être pas dans son livre en proportion de la peine méritoire qu’il s’est donnée, et cela n’a rien d’extraordinaire. Les actes officiels et les monumens manuscrits, privés ou publics, sont les élémens premiers de l’histoire ; nous faisons le cas qu’il faut des lettres, des dépêches, des papiers de tout genre qui peuvent aider à déterminer plus exactement la part de chaque acteur dans le drame commun ; mais ce qui importe davantage, leur rôle d’ensemble, le caractère, le sens, la portée, la moralité des événemens auxquels ils ont contribué, sont assez connus par ce qu’on sait de leur conduite patente, publique, incontestable, pour qu’à la distance où nous sommes on puisse les apprécier avec sûreté. J’ajouterai que les nouveautés introduites dans cette histoire par l’auteur perdent beaucoup de leur prix pour une autre raison : le livre de M. de Sybel ne contient que de très rares indications de sources et presque aucune citation textuelle. Que veut-il que nous fassions de ses découvertes ? Quand on prétend renouveler une histoire aussi connue, il faut se présenter pièces en main. Nous ne mettons pas sa sincérité en question, nous ne saurions douter de son intelligence : il a bien vu, bien compris, bien raconté, nous voulons le croire ; mais la science, qui n’est pas tenue comme nous à la politesse, ne s’accommode pas de ces actes de foi, elle veut tout voir pour tout vérifier. Ces documens inédits que l’auteur a eu le privilège, refusé à ses lecteurs, d’examiner de ses yeux, il faut qu’il en cite l’essentiel, autrement ils sont comme non avenus. M. de Sybel a voulu faire un livre élégant, littéraire, dégagé de tout appareil pédantesque ; ce n’était pas en vérité le moment, quand on venait s’inscrire en faux contre tant d’opinions accréditées, de déroger aux bonnes vieilles habitudes allemandes. Je n’irai pas au surplus discuter des assertions dont la preuve nous demeure cachée. Il me suffira d’indiquer le point de vue général de l’auteur, d’examiner la manière dont il comprend et apprécie les principes mêmes de la révolution, et de relever quelques-uns des jugemens qu’il porte sur les événemens ou les personnages les plus