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Ce n’est pas tout : cette puissance créatrice ou organisatrice n’existe pas seulement au début de la vie dans l’œuf, l’embryon ou le fœtus ; elle poursuit son œuvre chez l’adulte, en présidant aux manifestations des phénomènes vitaux, car c’est elle qui entretient par la nutrition et renouvelle d’une manière incessante la matière et les propriétés des élémens organiques de la machine vivante. La nutrition n’est donc rien autre chose que cette puissance génératrice continuée et s’affaiblissant de plus en plus. C’est pourquoi il faut comprendre sous la dénomination de phénomènes organotrophiques tous les phénomènes d’organisation, de nutrition ou sécrétion organique chez l’embryon, le fœtus, l’adulte, parce qu’ils sont toujours soumis à une seule et même loi.

Les conditions physico-chimiques ambiantes règlent les manifestations vitales du germe ou de l’ovule comme celles de tous les autres élémens organiques. Nous avons vu précédemment que la présence de l’oxygène provoque les manifestations des phénomènes de contraction dans les muscles, de motricité et de sensibilité dans les nerfs, d’intelligence dans le cerveau. L’oxygène conserve encore ici la même influence sur la manifestation de l’idée créatrice ou évolutive renfermée dans l’œuf. Si l’ovule ne reçoit pas l’action directe ou indirecte de l’oxygène, l’évolution ne peut avoir lieu. Quand l’incubation est intérieure, dans l’utérus, l’oxygène arrive par le sang ; quand l’évolution est extérieure, l’oxygène arrive directement par l’air. Si l’on vernit un œuf de poule afin d’empêcher l’air de pénétrer par les pores de la coquille, l’ovule qu’il contient ne peut se développer et créer un être nouveau ; de même, si l’on opère l’incubation de l’œuf d’oiseau dans un air confiné, l’évolution n’a lieu que quand l’oxygène existe dans l’air, et elle s’arrête, si l’on soustrait ce gaz du milieu d’incubation.

En résumé, nous voyons que le physiologiste, en s’adressant aux conditions de vitalité des divers élémens histologiques, a la possibilité d’exercer son empire sur tous les phénomènes vitaux, de quelque nature qu’ils soient. La vie est une cause première qui nous échappe comme toutes les causes premières, et dont la science expérimentale n’a pas à se préoccuper ; mais toutes les manifestations vitales, depuis la simple contraction musculaire jusqu’à l’expression de l’intelligence et à l’apparition de l’idée créatrice organique, ont chez les êtres vivans des conditions physico-chimiques d’existence bien déterminées que nous pouvons saisir, et sur lesquelles nous pouvons agir pour régler les phénomènes auxquels président les élémens histologiques.

La physiologie a donc une base expérimentale tout aussi réelle et tout aussi solide que les sciences expérimentales des corps bruts. Son problème est sans doute très complexe ; mais, comme on le