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mique ; mais, quand il s’agit d’une évolution organique qui est dans le futur, nous ne comprenons plus cette propriété de matière à longue portée. L’œuf est un devenir, il représenté une sorte de formule organique qui résume l’être dont il procède et dont il a gardé en quelque sorte le souvenir évolutif.

Les phénomènes de création organique des êtres vivans me semblent bien de nature à démontrer une idée que j’ai déjà indiquée, à savoir que la matière n’engendre pas les phénomènes qu’elle manifeste. Elle n’est que le substratum et ne fait absolument que donner aux phénomènes leurs conditions de manifestation, seul intermédiaire par lequel le physiologiste peut agir sur les phénomènes de la vie. C’est pourquoi ces conditions doivent être soumises à un déterminisme absolu et rigoureux, qui constitue le principe fondamental de toutes les sciences expérimentales. L’œuf ou le germe est un centre puissant d’action nutritive, et c’est à ce titre qu’il fournit les conditions pour la réalisation d’une idée créatrice qui se transmet par hérédité ou par tradition organique. L’œuf, en présidant à la création de l’organisme, opère le renouvellement des êtres, et devient par suite la condition primordiale de tous les phénomènes ultérieurs de la vie.

Quand on observe l’évolution ou la création d’un être vivant dans l’œuf, on voit clairement que son organisation est la conséquence d’une loi organogénique qui préexiste d’après une idée préconçue, et qui s’est transmise par tradition organique d’un être à l’autre. On pourrait trouver dans l’étude expérimentale des phénomènes d’histogenèse et d’organisation la justification des paroles de Goethe, qui compare la nature à un grand artiste. C’est qu’en effet la nature et l’artiste semblent procéder de même dans la manifestation de l’idée créatrice de leur œuvre. Nous voyons dans l’évolution apparaître une simple ébauche de l’être avant toute organisation. Les contours du corps et des organes sont d’abord simplement arrêtés, en commençant, bien entendu, par les échafaudages organiques provisoires qui serviront d’appareils fonctionnels temporaires au fœtus. Aucun tissu n’est d’abord distinct, toute la masse n’est constituée que par des cellules plasmatiques ou embryonnaires ; mais dans ce canevas vital est tracé le dessin idéal d’une organisation encore invisible pour nous, qui a assigné d’avance à chaque partie, à chaque élément, sa place, sa structure et ses propriétés. Là où doivent être des vaisseaux sanguins, des nerfs, des muscles, des os, les cellules embryonnaires se changent en globules de sang, en tissus artériels, veineux, musculaires, nerveux et osseux. L’organisation ne se réalise pas d’emblée ; d’abord vague et seulement ébauchée, elle ne se perfectionne que par différenciations élémentaires, c’est-à-dire par un fini dans le détail de plus en plus achevé.